Ils sont les créateurs de contenu les plus suivis dans le monde. Donald Trump, Xi Jinping, et Vladimir Poutine. Le réel n’est pas celui qu’ils ont prévu pour nous. Ils nous proposent une version plus conforme à leurs idéaux. Et comme ils disposent d’outils narratifs à la hauteur de leurs ambitions. Nous voilà servis. Les 3 dirigeants XXL annoncent le retour de la carte au détriment du territoire. La carte dont l’objectif n’est pas de représenter le monde tel qu’il est, mais tel qu’il est fantasmé. Une carte faite de récits, de frontières, de légendes. Une véritable grille de relecture du monde. Jed Martin, le héros de Michel Houellebecq dans La carte et le territoire, est lui aussi un créateur de contenu, à sa manière. Lui aussi a choisi la carte plutôt que le territoire. « La carte est plus intéressante que le territoire. Le territoire est sale, confus, et plein de vie. »

De toute façon, la carte n’a jamais eu pour ambition de représenter le territoire. Trop ambitieux et surtout inutile. Que faire d’une carte représentant trop fidèlement le territoire, dans ses moindres aspects ? On se retrouve alors avec copie conforme du territoire, comme dans la courte parabole de Borges de la rigueur et de la science. Cela ne peut pas être le but de la carte. Cette dernière doit suggérer le territoire, plutôt que de le copier. Et suggérer est bien une des qualités principales que l’on peut reconnaître à nos 3 dirigeants. En vérité, la suggestion dont il est question chez eux est une forme de choix à une seule option, un genre de liberté négative. En d’autres termes, le territoire est formaté de telle manière qu’il ne reste qu’une seule piste possible. Cette perte des possibles n’est pas sans rappeler la novlangue de Georges Orwell dans...