« Succession », ou la fuite de l’Occident dans les mots
CONTRIBUTION / CRITIQUE. Prenant pour toile de fond une histoire de succession d’un magnat du divertissement, la série HBO brosse un portrait stupéfiant d’une oligarchie occidentale décadente.
Ce dimanche 28 mai est sorti l’épisode final de la saison 4 de Succession, qui a également marqué le terme de cette série produite par HBO. Inspirée de l’empire médiatique de Rupert Murdoch, elle met en scène les dernières années de la vie de Logan Roy, magnat américain des médias et du divertissement : or la fin de vie d’un roi n’est pas sans lutte de succession — ici entre trois des quatre enfants de Logan.
Une réussite artistique
Évacuons d’emblée la question artistique : cette série est exceptionnellement réussie. Le scénario est plein de rebondissements, et ceux-ci ne sont jamais irréalistes ; les dialogues sont mordants ; les personnages sont marqués, complexes, pleins de failles — humains, trop humains —, et les acteurs les incarnent merveilleusement. La musique et la photographie sont tout aussi réussies, la réalisation tout autant léchée. Enfin, les producteurs de la série ont la grande — et rare — sagesse de ne pas faire passer le profit avant la réussite esthétique : la boucle narrative est bouclée, l’œuvre est terminée, donc il n’y aura pas de saison 5 — quand bien même elle eût sans aucun doute apporté nombre d’abonnés supplémentaires à HBO.
Sans surprise, un biais pro-démocrate est présent ; le candidat républicain en lice lors de la saison 4 est une brute qui, du moins en privé, défend à demi-mot Adolf Hitler, et dont les partisans sont d’authentiques nervis : mais cette dose d’un manichéisme politique parfois assez forcé ne parvient pas à gâcher la série. Quoi qu’on en dise, Hollywood sait encore créer.
Miroir de l’oligarchie occidentale
En plus d’être une réussite esthétique, Succession est une plongée dans l’oligarchie économique, financière et politique nord-américaine de notre début de XXIe siècle. Et cette plongée est sans merci : addictions en tous genres, rapport à la sexualité on...