L'Europe est-elle judéo-chrétienne ?
CONTRIBUTION / ANALYSE. L'Occident judéo-chrétien ? Un mythe, selon l'historienne Sophie Bessis, auteur de La civilisation judéo-chrétienne. Anatomie d'une imposture aux éditions Les liens qui libèrent. Une thèse qu'elle a récemment exposée au micro d'ARTE. L'essayiste Max-Erwann Gastineau propose de déconstruire cette entreprise de déconstruction en revenant aux fondamentaux : l'histoire.
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L’Occident est-il « judéo-chrétien » ? L’historienne Sophie Bessis dénonce une illusion rétrospective et une instrumentalisation orchestrée à des fins idéologiques.
Le propos n’étonnera personne. Il est vu et convenu. Il s’insère dans le cadre d’un déconstructionnisme systémique visant tout ce qui peut encore permettre aux sociétés occidentales de se rattacher à quelque chose de plus substantielle qu’un code juridique, au nom d’un « romantisme pour l’Autre » (Finkielkraut) qui ne s’embarrasse pas, lui, de reconstruire et de culturaliser des identités non moins fantasmées, selon toujours le même procédé : négation, relativisation.
Commençons par définir les termes :
• Négation : c’est faux, vos référents culturels n’en sont pas, n’ont jamais existé.
• Relativisation : ces référents (civilisation judéo-chrétienne, racines chrétiennes, identité nationale…) ne sont que les manifestations intéressées de « reconstructions a posteriori d’une identité fantasmée », construite et donc parfaitement déconstructible et, à ce titre, indigne d’être définitivement tenue pour vraie.
La quatrième de couverture du livre de Madame Bessis ne laisse pas de place au doute : « Sophie Bessis dévoile comment ce binôme, loin d’être neutre, est utilisé partout pour rendre impossibles des convergences culturelles et politiques qui pourraient être autant de chemins vers la paix. »
Il suffirait pourtant de reprendre les mots du grand Malraux pour contredire ces accusations. Une civilisation, disait le premier ministre de la Culture, est « ce qui s’agrége autour d’une religion ». Et cela ne vaut pas que pour la Chine de Confucius…
Jadis, l’Occident, c’est-à-dire l’Europe, se confondait avec la notion de « Chrétienté », du nom de la religion qui s’y épanouit et lui donna, pour la première fois depuis la chute de Rome, une forme et un contenu matérialisés par ses autels et ses sacres, ses baptêmes et ses clochés, ses lois et ses diacres.
Puis Chrétienté et Europe cessèrent d’être parfaitement synonymes. A la suite de la Réforme, de la Révolution et de...