Écrans

Vous avez-dit « fracture numérique » ?

OPINION. Poussé par des appétits financiers, les écrans ont été commercialisés avant que leur potentielle nocivité soit scientifiquement attestée. Maintenant que c’est avéré, il nous faut reprendre le contrôle. S’il y a un défi au XXI° siècle dans les pays développés, c’est bien la fracture cognitive, et non la numérique.

/2020/11/thomas-park-6MePtA9EVDA-unsplash

Le reconfinement s’est abattu, nous laissant seuls avec nous-mêmes. Seuls ? pas vraiment. Nos écrans sont toujours là pour nous tenir compagnie, et nous le leur rendons bien : 25%, voici l’augmentation moyenne de l’usage du téléphone durant le premier confinement1. Ce chiffre pourrait ne pas être inquiétant si la consommation d’écran n’était pas déjà disproportionnée : entre l’âge de 2 et 8 ans le temps d’écran est de 2h45 par jour, avec une augmentation de 30% sur la dernière décennie ; entre 8 et 12 ans le temps d’écran grimpe à 4h30 ; et entre 13 et 18 ans il atteint 6h40, soit 40% du temps de veille2. Et ne croyez pas que cet usage stimule d’une quelconque façon les capacités de l’enfant et de l’adolescent : seul 3% du temps passé sur l’écran est destiné à un usage créatif4. Une consommation aussi monstrueuse, qu’inégalitaire, dont les conséquences ne sont guère réjouissantes. Vous avez dit fracture numérique ? Récit.

I- Les classes populaires en première ligne…

Les études scientifiques sont unanimes : toutes les classes sociales ne sont pas également touchées par ce qui s’avère être un fléau. Le docteur en neuroscience et directeur de recherche à l’Inserm, Michel Desmurget le montre sans fard dans son livre La Fabrique du crétin digital : « Il apparaît, sans grande surprise, que les enfants des milieux défavorisés ont une consommation numérique récréative presque deux fois plus importante que leurs homologues favorisés (3h30 contre 1h50). »5 Cette différence en plus d’être quantitative est aussi qualitative : ce surplus de temps passé ne l’est pas à des fins productives ou épanouissantes, mais bien à la consommation de contenu audiovisuel et à l’usage des réseaux sociaux. Cette différence peut s’expliquer par deux grands facteurs : l’asymétrie d’information, les familles populaires étant moins bien au fait des effets délétères des écrans, et...