Censureliberté d'expression

Anne-Sophie Chazaud à l’assaut du nouvel ordre moral

CRITIQUE. Anne-Sophie Chazaud fait paraître en cette rentrée Liberté d’inexpression, chez L’Artilleur. Un ouvrage dense et précis dans lequel elle arpente les limbes de notre postmodernité culturelle et tente d’en éclairer les ombres à la lanterne de la raison.

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Le paradoxe n’est-il pas étrange : plus l’idéologie diversitaire étend son empire politiquement correct sur le monde occidental et plus la libre-expression, qui devrait en théorie en être le corolaire, s’émousse. C’est ce terrifiant mouvement de balancier historique qu’analyse l’essayiste Anne-Sophie Chazaud dans un travail de synthèse remarquable.

Cinquante ans après Mai 68, le vent de la subversion soufflé sur l’ancienne société s’est transfiguré en un nouvel obscurantisme puritain d’importation anglo-saxonne, dont les Social Justice Warrior forment probablement la plus tératologique émanation. Il faut d’ailleurs admettre que si, confrontés à certaines nouvelles problématiques, nous avons collectivement tendance à préférer opter pour la sauvage ironie voltairienne, ce spectacle n’a aujourd’hui plus grand chose d’amusant au regard du pouvoir de nuisance sociétale qu’ont acquis ces nouveaux chiens de garde du néant.

« Entre les injonctions morales du politiquement correct, les revendications atomisées d’individus agitant infantilement leur toute-puissance, la tyrannie inquisitoriale de minorités militantes, le retour d’un obscurantisme religieux violemment intolérant, une accumulation de lois toujours plus liberticides émanent d’un pouvoir politique transformé en chasseur de phobies comme d’autres épinglent les papillons », dresse avec effarement l’essayiste.

L’objet et tout le mérite de l’ouvrage d’Anne Sophie Chazaud est de mettre en relation ces diverses formes de censure – sociétale, historico-judiciaire et politique -, de les articuler pour montrer qu’elles finissent par prendre les contours carcéraux d’un système. Un système où l’autocensure finit par s’installer, ou la notion de blasphème se réintroduit à la marge et où le droit à la caricature est contesté au calibre de guerre. « C’est toute la sphère possible des modes d’expression les plus variés qui s’est trouvée frappée d’interdits, de pressions et d’inquisitions aussi loufoques que tragiques dans un vaste mouvement de censure polymorphe », analyse l’auteur.

La première partie du livre développe et médite en profondeur les différents épisodes, plus ubuesques les...

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