Driss Ghali : « Les Français vivent une immense dépossession »
ENTRETIEN. Ecrivain et spécialiste des relations internationales, Driss Ghali a publié récemment l'ebook auto-édité : De la diversité au séparatisme. Un opuscule non conformiste sur lequel nous avons choisi de l’interroger.
Front Populaire : Dans votre ouvrage, vous décrivez un malaise identitaire présent autant chez les Français « de souche » que chez ceux issus de l’immigration récente. D’où vient ce malaise ?
Driss Ghali : Il y a tout d’abord le problème du dépaysement. Les « Français de souche » deviennent des étrangers dans leur propre pays. Autour d’eux, les mœurs et les paysages humains changent d’une manière radicale et accélérée. Ce dépaysement, subi 365j/365j, représente une grande violence morale et psychique. Il plonge les Français dans un univers où rien ne va de soi, où ce qui était accepté implicitement hier ne l’est plus du tout aujourd’hui. Leur chez-soi s’arrête désormais à la limite de leur « communauté », au-delà ils doivent tout « sous-titrer », car un regard ou un silence ne suffisent plus pour se faire comprendre. Les femmes le ressentent au premier plan, elles qui doivent se débrouiller pour faire comprendre aux hommes, issus d’autres cultures, que porter une jupe n’est pas un appel au harcèlement. Pour les Français en général, le monde familier, cet espace où ils peuvent être eux-mêmes en toute quiétude, s’est beaucoup rétréci. C’est une immense dépossession.
Du côté des nouveaux venus, le dépaysement inhérent à l’expérience migratoire se transmet désormais de génération en génération. En effet, les diasporas ont pris la relève de l’intégration : on ne naît plus en France, on naît dans une diaspora installée en France. Or, une diaspora n’a aucun intérêt à « fabriquer » des petits Français, ce serait signer son arrêt de mort. Elle produit plutôt des étrangers qui ne se sentent jamais vraiment « à la maison » en France ni encore moins dans le pays d’origine de leurs ascendants. C’est une malédiction au fond.
Certaines diasporas sont de véritables contre-sociétés. Elles incarnent une antithèse à la société française qui se trouve ainsi relativisée et réduite au rang...