Cohn-Bendit (Daniel)
Figure de proue de la contestation étudiante, Cohn-Bendit (né en 1945) est l’autre nom de mai 68. Devenu porte-flingue de l’euromacronisme, il est ce qu’Audiard appelait « une synthèse ».
Aux aurores de la modernité, Descartes avait pressenti les audaces terribles qui s’ouvraient devant la volonté prométhéenne, potentiellement infinie, à laquelle la science nouvelle faisait découvrir sa puissance ; laquelle pourrait s’exercer non seulement contre une tradition épistémologique imparfaite mais aussi, et c’était la crainte de Descartes, contre tous les ordres moraux et politiques (1). De la grandeur inquiète de ces commencements, nous sommes passés à la déconstruction et au gauchisme de consommation post-soixante-huitard.
La liberté moderne échoue dès lors sur la grise plage artificielle qui a recouvert après 68 les durs, les vertueux pavés gaullo-communistes (voir « Gaullo-communisme »). S’y agite depuis, à coups de pâtés capricieux, un petit moi haïssable qui exige, revenu à la maison, de consommer sans ranger sa chambre. Bientôt père en rollers chantonnant Vincent Delerm, il n’hésite pas à porter des dreadlocks qui, bien acceptées dans son « job », aggravent son cas devant l’Éternel, juge de tous les styles. Il prend avec l’âge l’aspect d’un vieux poupon arrogant et vagissant, réclamant l’air méchant de jouir encore et encore, et qui, gênant tout le monde, ressemble trait pour trait à Dany Cohn-Bendit... Je précise que je ne juge pas 68 de l’extérieur. Né en 1974 dans un milieu d’extrême gauche, je l’ai vécu dans ma chair. Mai a déposé en moi, depuis les limbes, des blocs d’existence enveloppés de couleurs, d’atmosphères et de mots. Bien qu’il ait imprégné la société tout entière, je ne le critique donc pas à la « droitarde », de loin, sans en avoir été intimement affecté. Je sais de source familiale que 68 a eu ses perdants écrasés sous l’ombre de ses grands bénéficiaires, Cohn-Bendit et consorts, qui rendent cette génération légitimement insupportable aux suivantes. Et je sais comment ces perdants-là ont enduré, avec leurs enfants, la gueule de bois d’une fête célébrée...