Gaullo-communisme
Gaullistes et communistes forment un attelage sans doute moins idéologique qu’anthropologique. Ils sont les pôles d’un monde cohérent, ennemi déclaré de l’esprit 68.
Avec 68, on est passé de la modernité qui contient (au double sens du terme) l’individualisme cosmopolite à la postmodernité qui, littéralement, le déchaîne. Toutes les causes objectives, sociologiques ou économiques, indispensables pour comprendre le processus, n’y suffisent pourtant pas. Le post-nationalisme avait besoin d’une personnalité, d’une force subjective, d’une âme organisatrice. Il les a trouvées dans l’alchimie francophobe de 68. Ce fut bien son point d’impact majeur : humilier l’histoire de France en lui retirant cette grandeur tragique qui, remontant des abîmes par l’amour de soi, permet aux descendants de relever la tête et le pays. Que ses acteurs en aient été conscients ou non, c’est bien ce qu’ils ont fait. Traumatismes déjà terriblement profonds en eux-mêmes, la Grande Guerre et la débâcle vont en effet muter sous l’action de Mai pour devenir des zombies francovores. Commotionnée, blessée, la France demeurait encore à ses propres yeux dans les années 1960 un acteur positif, fût-il parfois malheureux, de l’Histoire universelle. Pour lui faire perdre plus profondément l’estime de soi, il aura fallu que les deux grandes tragédies françaises du XXe siècle subissent, avec la guerre d’Algérie, le traitement « post-opératoire » déclenché par les baby-boomers. L’hécatombe et la collaboration purent être (et peuvent redevenir) les pièces d’une conscience tragique de l’Histoire. Mais reversées par les soixante-huitards dans la mémoire phobique des « heures-les-plus-sombres », elles vont jusqu’à nous servir à en faire sortir la France. C’est donc d’une affaire de haine qu’il s’est agi en 68, de mépris et voire, dans le meilleur des cas, d’indifférence pour la France. Cette indifférence centriste se reverserait dans l’euromondialisme mais, dans les suites de Mai, c’est la veine rageusement antinationale, aujourd’hui toujours active, qui s’est donnée libre carrière. Et comment mieux faire vaincre cette francophobie qu’en réduisant 14-18 à son absurdité célinienne ? Comment mieux la satisfaire qu’en exhibant...