Occident, ennemi mondial n°1, de Jean-François Colosimo, éd. Albin Michel

Le débat contemporain au sujet de l’ordre international est souvent résumé par l’antinomie de deux grandes thèses connues : celle de Francis Fukuyama sur la « fin de l’histoire » et celle de Samuel Huntington sur le « choc des civilisations ». L’originalité de Jean-François Colosimo, même s’il n’est certes pas le seul, est de se situer par-delà ce clivage. « Nous n’avons assisté ni à la fin de l’histoire ni au choc des civilisations. Au contraire, l’histoire explose et les civilisations implosent », note-t-il en introduction du livre Occident, ennemi mondial n°1. Sa thèse est tout autre. Nous assistons selon lui moins à l’affrontement de blocs civilisationnels qu’à la réémergence d’empires archéomodernes : Russie, Turquie, Iran, Inde, Chine. Modernes parce qu’ils ont vampirisé progressivement la puissance technique occidentale qui les a humiliés depuis le XIXe siècle, archaïques parce qu’ils vont chercher leur cohérence identitaire dans le religieux local. « En Russie, en Turquie, en Iran, en Chine, en Inde, c'est le cours de l'histoire immédiate qui est de la sorte inversé. Les anciens empires du XIXe siècle, tsariste, ottoman, perse, qing, moghol, semblaient à jamais disparus. Les deux guerres mondiales et la guerre froide les avaient apparemment engloutis. En réalité, ils n'avaient fait qu'hiberner. » Or l’état de fait est cocasse quand on pense qu’à l’aube du XXIe siècle, les États-Unis jouissaient encore du statut d’hyperpuissance, statut qui servait de justification à la préservation et à la diffusion (partout dans le monde) de la démocratie libérale. La globalisation économique a accouché d’un chaos constatable. Mais d’où viennent ces projets néoimpériaux ? D’un double mouvement contradictoire, créé par la globalisation : la tension grandissante entre l’idée de nation et l’idée de fédération (politique ou économique) qui engendre un effet alternatif de scission et d’association. De cette tension émerge l’idée néoimpériale comme...