Spectacle
Souvent mal comprise et dévoyée, la notion de « société du spectacle » est utilisée à toutes les sauces. L’occasion de rappeler qu’elle est née chez l’un des maîtres à penser de 68 : Guy Debord (1931-1994).
La Société du spectacle, l’œuvre majeure de Guy Debord, est publiée en novembre 1967. Mais les « événements » de 1968 vont lui donner tout son relief. Guy Debord était l’un des principaux animateurs de l’Internationale situationniste (IS) fondée en 1957 par le rapprochement d’un certain nombre de mouvements d’avant-garde révolutionnaire, concentrés dans le domaine culturel. L’IS se donne pour objectif de créer des « situations » mobilisant les moyens culturels pour bouleverser la vie quotidienne. Elle se veut révolutionnaire et s’inspire de Marx et de « conseillistes » comme Rosa Luxemburg et Anton Pannekoek, ou encore d’idées développées par le groupe Socialisme ou Barbarie de Cornelius Castoriadis et Claude Lefort. On peut également trouver des parentés avec les thèses du philosophe et sociologue Henri Lefebvre sur la critique de la vie quotidienne. L’inspiration est libertaire et l’IS se prononce pour une autogestion généralisée. Les « situs » sont surtout actifs en milieu étudiant. En 1966, la section de Strasbourg de l’UNEF diffuse la brochure De la misère en milieu étudiant considérée sous ses aspects économique, politique, psychologique, sexuel et notamment intellectuel et de quelques moyens pour y remédier, un texte dont Guy Debord a pris l’initiative et que l’on considère souvent comme la première manifestation de ce que sera la contestation étudiante.
Aujourd’hui, on cite assez fréquemment (et souvent mal à propos) Guy Debord et La Société du spectacle. Il s’agit d’un texte qui part de Marx et de sa critique du fétichisme de la marchandise – première section du livre I du Capital. L’exergue du livre de Guy Debord le place sous les auspices de Ludwig Feuerbach : « Et sans doute notre temps… préfère l’image à la chose, la copie à l’original, la représentation à la réalité, l’apparence à l’être… Ce qui est sacré pour lui, ce n’est que l’illusion, mais ce qui est profane,...