F.P. : L’Amérique s’oppose aujourd’hui à deux mastodontes : la Russie et à la Chine. On pourrait ajouter la montée en puissance de néoempires identitaires comme l'Inde, la Turquie ou l'Iran. Les États-Unis sont-ils encore l’empire tant redouté il y a quelques décennies ? 

Nikola Mirkovic : Non, l’heure de gloire des États-Unis est clairement derrière eux. L’Empire américain est aujourd’hui fatigué et déboussolé, son dynamisme est émoussé, même s’il dispose toujours de grandes ressources. Les États-Unis se sont projetés dans le XXIe siècle en usant des mêmes méthodes qu’au XXe, sans anticiper les réactions géopolitiques profondes que sa politique impérialiste suscitait. À présent, ils sont affaiblis à l’intérieur comme à l’extérieur du pays et le monde entier le sait. Au niveau national, les Américains sont déchirés entre wokistes qui veulent réécrire l’histoire du monde et conservateurs attachés aux valeurs traditionnelles américaines. La société est divisée, mais elle est aussi appauvrie. Le pouvoir d’achat ne cesse de baisser. 40 % de la population est obèse, 100 000 personnes meurent chaque année d'overdose. Même l’espérance de vie chute ! On voit aussi avec quelles difficultés les Américains donnent des leçons de démocratie au monde entier, mais ont eu du mal à compter les bulletins de vote de l’élection présidentielle de 2020.

Sur la scène internationale, ils ne se portent pas mieux. Lorsque la Maison Blanche intime à l’Inde de bloquer des navires russes et à l’Arabie saoudite de produire plus de pétrole, elle reçoit des fins de non-recevoir cinglants. Les sanctions exigées par les États-Unis contre la Russie ne sont appliquées que par des pays représentant 16 % de la population mondiale. L’une des plus grandes forces états-uniennes est clairement sa puissance militaire qu’elle a déployée plus de 500 fois dans des guerres à l’étranger depuis 1776, mais Washington ne parvient plus à atteindre ses objectifs....