Anne-Cécile Suzanne, la mémoire et la terre
PORTRAIT. Pour l’inauguration de notre série de portraits, nous vous proposons de découvrir le parcours atypique d’Anne-Cécile Suzanne. Diplômée de Sciences Po Paris et d’une école de commerce qui l’ont menée jusqu’aux Etats-Unis, elle a renoncé à une trajectoire toute tracée pour reprendre la ferme normande de son père, emporté par un cancer.
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D’une voix douce, presque juvénile, Anne-Cécile Suzanne, normande de 29 ans raconte son histoire hors-du-commun, celle d’une étudiante brillante qui a préféré la compagnie de ses vaches « blondes d’Aquitaine » à Mauves-sur-Huisne à celle de ses collègues d’un grand cabinet d’audit parisien. Née dans l’Orne, dans le parc naturel du Perche en Basse-Normandie, rien ne prédestinait la jeune femme à se retrouver aujourd’hui à la tête d’une exploitation en polyculture-élevage en reprenant l’exploitation de son père agriculteur.
Après une jeunesse heureuse et une scolarité brillante -hypokhâgne/khâgne et sciences sociales à Nantes-, la jeune femme tente « à tout hasard et sans conviction particulière » les concours d’écoles de commerce qu’elle réussit. Au même moment, la vie la rattrape : le cancer de son père, très avancé, est diagnostiqué, avec un pronostic vital engagé à court terme. « Ça a été le premier vrai choc de ma vie, mon monde s’effondrait alors que j’avais 19 ans et que mes parents me semblaient immortels » nous confie-t-elle. Pendant que son père se bat contre la maladie, elle finit ses études de commerce à Nantes et part à Boston pour y décrocher un diplôme en entrepreneuriat. Son père est alors « soulagé » de savoir « que jamais elle n’aura à faire un travail aussi pénible que le sien. » « Jamais il ne m'a appris à conduire un tracteur. Jamais il ne m'a inculqué les fondamentaux de son métier. En réalité, à force d'observation, j'avais beaucoup appris, mais je ne m'en suis rendue compte que bien plus tard », se souvient l’agricultrice.
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Installée aux Etats-Unis pour ses études, la jeune femme reconnaît avoir vécu une période « très difficile ». « Je savais que l’état de mon père empirait, car il n’acceptait plus de me parler tous les jours au téléphone, sa fatigue étant trop grande. Pour autant, il se refusait à m’avouer la gravité de la...