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La bibliothèque du jeune européen

CRITIQUE. Le continent européen connaît une crise de la transmission probablement unique dans son histoire. De ce triste constat est né ce projet éditorial audacieux : La Bibliothèque du jeune européen, 200 essais pour apprendre à penser, aux éditions du Rocher. Un ouvrage original qui met à disposition du lecteur des siècles de pensée européenne.

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En 1989, Alain Finkielkraut avait fait paraître ce qui est resté depuis comme son ouvrage de référence : La défaite de la pensée. Dans ce livre, il analysait la lente prise de pouvoir du « culturel » sur la culture et donc sur la pensée, qui ont pourtant été de toujours les mamelles de notre continent européen. Force est de constater que les choses ne se sont pas franchement améliorées ces trente dernières années, laps de temps durant lequel la révolution numérique a commencé de produire certains de ses fruits les plus amers, offrant un boulevard de puissance technologique aux formes les plus rétrogrades de la publicité et de la communication. Qu’on pense notamment aux nouvelles techniques de persuasion ultra-agressives offertes par le neuro-marketing.

Car transmettre n’est pas communiquer. La différence, aussi subtile que fondamentale, est parfaitement mise en lumière par Régis Debray dans l’un de ses récents ouvrages, Civilisation, dans lequel il écrit : « Qu’est-ce que communiquer ? Transporter une information à travers l’espace. Qu’est-ce que transmettre ? Transporter une information à travers le temps. La communication a rongé, harcelé, puis finalement phagocyté la transmission, comme l’esprit d’Amérique, l’esprit d’Europe. Il n’est pas étonnant que la plus communicative des civilisations ait porté à leur meilleur l’art les techniques de la communication. Il l’est plus que nous pratiquions nous-mêmes la fuite en avant du transmettre dans le communiquer, dans l’éducation, l’Etat, les musées, les Églises et les écoles professionnelles. »

L’Amérique a donc gagné une grande bataille idéologique en nous soumettant à son langage. Elle continue de le faire en important un peu partout le fléau de la « cancel culture » et du « woke », dans une guerre cognitive qui semble mal engagée pour une vieille Europe honteuse, en perpétuel état de prostration. L’émotion et le slogan triomphent un peu partout du raisonnement et de la mise...