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Refermer les volets

CHRONIQUE. Toutes les bonnes choses ont une fin, et c'est aujourd'hui la dernière chronique champêtre de Jean-Paul Pelras que nous publions cet été. Fin des vacances, et retour à la vie dite "réelle"...

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Une brume matinale recouvre la vallée. Sur la table de campagne, entre la terrasse et le grand pré, traînent encore deux bouteilles de vin à moitié vides, un cendrier qui déborde de mégots mouillés, le gilet oublié hier soir par Juliette, une bougie creusée par une flamme morte et le fil de fer d’un bouchon de champagne. Tous partis, au petit matin ou au cœur de la nuit, à cause du boulot, à cause de la route, à cause de ces rendez-vous qu’il ne faut surtout pas manquer.

Et à cause de cette vie qui fait que rien ne dure, parce qu’il faut toujours tout recommencer. Il va donc falloir se résoudre à tout ranger, suspendre jusqu’au printemps les cirés jaunes près du vieux râtelier, plier le parasol et les chiliennes, débrancher le frigidaire, recouvrir le canapé et laisser, chez la voisine, un double des clés.

Et puis, comme dans un film de Sautet, il y a tous ces souvenirs qui défilent entre la balançoire et le champ de pommiers, devant cet âtre noir où, hier encore, dansaient les flammes, près de cette guitare aux accords envolés avec le regard d’une dame qui, très certainement, ne faisait que passer. Alors, bien sûr, dans ces moments là, on se dit que les choses ne peuvent pas continuer ainsi, qu’il faut tout envoyer balader, que la vraie vie est ici. Oui là, à attendre que le soleil vienne réchauffer le monde, à voir passer les corbeaux et le chien du berger. A se dire qu’il n’y a rien à espérer d’un quotidien que l’on n’a pas choisi. Mais les autres sont partis.

Alors il faut tirer les volets. Peut être, tout simplement, pour ne pas avoir à affronter le redoutable privilège de l’ennui.

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