culture
Robespierre n'a pas eu lieu. Anatomie d'un cerveau reptilien
EDITO. Il y a une légende dorée de Maximilien de Robespierre, soigneusement entretenue notamment par quelques députés LFI. Mais il y a aussi (et surtout), un aspect plus sombre de "l'Incorruptible", comme le rappelle Michel Onfray dans ce texte, extrait de La force du sexe faible (éd. Autrement, 2016).
Robespierre n’eut jamais de corps. Du moins, il vécut comme s’il n’avait ni sexe, ni ventre, ni main pour caresser, ni bouche pour embrasser, ni peau pour toucher. Il naquit accessoirement à Arras et mourut par hasard sous le rasoir de la guillotine parisienne, car il fut d’abord et avant tout un citoyen de la Rome antique, plus contemporain de Marius et de Pompée, de César et de Brutus que de ses voisins boulangers ou charpentiers, portefaix ou artisans, au nom desquels il prétendait pourtant parler. Cet homme a vécu sa courte vie drapé dans une toge virile ; mais le drapé antique allait mal au bourgeois perruqué, coiffé et poudré qu’il fut.
La vie de ce lecteur de Plutarque fut consacrée à se venger d’une humiliation d’adolescence. Mais, pour dissimuler cet aspic venimeux et peu avouable (ce mobile était-il même clair aux yeux du despote ? J’en doute...), il enveloppa soigneusement son ressentiment dans des pages de Tacite et de Rousseau. Son cerveau baignait dans la bile. Il lut Du contrat social et « La profession de foi du vicaire savoyard » avec un avant-goût de sang dans la bouche. Cuite par son intelligence froide, sa rancœur devint idéologie.
Orphelin de mère, abandonné par son père alors qu’il a 6 ans, Robespierre est récupéré par son grand-père maternel, qui s’occupe des quatre enfants de la famille. Placé au collège à 7 ans, distingué par la monarchie, il obtient une bourse qui lui permet de quitter la province pour étudier au collège Louis-le-Grand à Paris. Ses vêtements râpés, ses souliers éculés, sa tenue défraîchie lui valent les moqueries des fils de la bourgeoisie et de l’aristocratie parisienne.
Pour fuir cette humiliation, il se réfugie dans la lecture des auteurs romains. Si les enfants de riches et de nobles ne veulent pas de lui, il ne veut pas d’eux. Dès lors, par décision et volonté, il se sent désormais chez lui dans la Vie des hommes illustres de Plutarque ou dans les Philippiques de Cicéron. Paris ne veut pas de lui, mais Rome l’accueille : il fera du Paris révolutionnaire une Rome à sa main.
Le corps de Robespierre est en trop : insomniaque, abonné aux cauchemars, sans vie sexuelle connue, nerveux pathologique, dépressif, sujets aux maladies de peau, affublé d’ulcères variqueux aux jambes, mauvais parleur, saignant régulièrement du nez, paranoïaque, Robespierre n’est qu’un cerveau, une décision, une volonté. On comprend qu’il communie dans le stoïcisme, tourne le dos à la vie et voue un culte au néant. L’avocat d’Arras a épousé la mort.
Cet anémique a besoin du sang frais de révolutionnaires exécutés pour irriguer son encéphale : avant la Révolution, monarchiste, il s’oppose à la peine de mort ;...
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