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Une invitation à la lecture de "La tache" de Philip Roth

CONTRIBUTION / OPINION. À l'heure des ravages l'idéologie woke dans les universités américaines ou françaises, la lecture du livre de Philip Roth peut aider à éclairer l'actualité.

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La tache de Philip Roth, paru en 2000, est un roman sur le masque, sur le racisme, sur le bouc-émissaire, sur le poids des convenances, sur le sens des mots, mais aussi et surtout sur l’aveuglement dans lequel tout individu baigne, quelle que soit sa culture ou son intelligence : « l’étau historique qu’est l’époque où chacun vit ».

Voici l’histoire en quelques mots. Elle se déroule aux Etats-Unis, en 1998, au moment de l’affaire Clinton / Lewinski. Un professeur universitaire juif de lettres classiques, très influent et estimé, est accusé de racisme par une étudiante et lâché de tous, est poussé à démissionner à quelques mois de la retraire.

Les faits sont pourtant ubuesques. Faisant l’appel depuis la rentrée scolaire, et relevant que deux élèves ne s’étaient jamais présentés à son cours, le professeur Coleman Silk a prononcé cette phrase devant sa classe : « Ces deux élèves existent-ils vraiment, ou bien est-ce que ce sont des zombies ? », entendant par là fantômes, spectres. Or en anglais le mot est polysémique et peut être traduit par « bougnoule » ou « bamboula », ou tout autre injure raciste.

Or il se fait que les élèves en question, que le professeur Silk n’a donc jamais vus, sont justement noirs ; la diffamation et la rumeur, alimentées de rancunes variées, vont s’abattre sur ce professeur. Ses collègues voient en cet événement un moyen d’en découdre avec un esprit trop libre, insolent, autoritaire au sens où ses exigences disciplinaires sont jugées rétrogrades et les moins agressifs lui confient ne pouvoir prendre son parti pour préserver le leur. Il est aussi la cible de certains étudiants blessés dans leur amour-propre car incapables de lire le théâtre classique d’Euripide sauf avec les lunettes étriquées du féminisme de leur temps, « dernier gargarisme à la mode » selon Coleman Silk.

Pourtant cet homme, que le narrateur rencontre après sa...

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