Hydrogène : enfin le retour à la lucidité ?
ARTICLE. L’Académie des sciences s’est récemment prononcée sur les capacités réelles de l’hydrogène en Europe et en France. Non seulement le compte n’y est pas, mais les objectifs annoncés ici et là par les pouvoirs publics — et une partie des opposants au gouvernement — relèvent franchement du fantasme.
Pour certains, il est l’avenir. L’hydrogène serait le carburant de demain, celui qui remplacerait le pétrole et ferait rouler nos voitures. Pour d’autres, il est celui qui décarbonerait à lui seul nos industries et nos logements. L’hydrogène nourrit bien des fantasmes, tant et si bien que l’Union européenne vise l’objectif de 60 % d’hydrogène vert et jaune — issu de l’électrolyse de source renouvelable et nucléaire — dans la consommation du secteur industriel en 2035. En 2050, elle consommerait 60 millions de tonnes d’hydrogène décarboné. Quant à la France, elle pourrait viser jusqu’à 4 millions de tonnes d’ici 2050. Sauf que d’après l’Académie des sciences, ces objectifs sont totalement illusoires.
Dans un rapport sur « l’hydrogène aujourd’hui et demain » publié le 9 avril, ses auteurs se sont penchés sur le réalisme des propositions actuelles. Pour la France, il faudrait quadrupler la consommation actuelle du pays, pour passer de 0,9 Mt d’hydrogène gris — obtenus par des procédés fortement émetteurs de CO2 — à 4 MT d’hydrogène « vert et jaune ». Cela peut paraître peu sur le papier. C’est en réalité énorme. Dans l’état actuel des connaissances technologiques, l’essentiel de la production de ce vecteur d’énergie passerait par l’électrolyse, qui suppose une perte de l’ordre de 70 à 75 % de l’électricité initialement utilisée. 1 MT d’hydrogène nécessiterait donc 55 TWh annuels d’électricité. Soit la production annuelle « de 5 réacteurs nucléaires de type EPR ou de 8,5 réacteurs nucléaires actuels de 1 GW ». À multiplier par quatre, donc.
La France s’est pourtant mise en ordre de marche, à coup de plans ambitieux, notamment dans le cadre de France 2030 qui accorde 11 milliards d’euros au développement de l’hydrogène pour la période 2020 - 2030. L’Hexagone vise le déploiement de 6,5 GW d’électrolyseurs à même de convertir l’électricité en hydrogène...