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Jacques Sapir : « Il n’y a pas de problème insoluble avec la dette publique française »

ENTRETIEN. François Bayrou s'est écrasé sur le mur (politique) des finances et de la dette publiques. Derrière les discours et les incantations médiatiques, que réellement disent les chiffres ? Quelles sont les causes premières de l'appauvrissement de la France ? Que faudrait-il faire ? Pour y voir plus clair, nous avons interrogé l'économiste Jacques Sapir.

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Jacques Sapir.© VILLARD/SIPA


Front Populaire : François Bayrou a fait de la dépense publique l’axe central de son gouvernement. Quoi que l’on pense du personnage et de ses idées, son diagnostic sévère était-il selon vous justifié ?

Jacques Sapir : François Bayrou a essayé, que ce soit de bonne foi ou par manège politique, de se construire depuis 2007 une image de réducteur de la dette publique en France. Il l’a fait sans comprendre les mécanismes qui poussent à certains moments la dette vers le haut et à d’autre vers le bas, et sans comprendre non plus qu’une forte dette publique peut avoir, dans certaines occasions, des avantages et dans d’autres des désavantages. Il a tenu sur ce sujet un discours essentiellement idéologique.

Rappelons ici quelques faits. En premier lieu, tout discours tenu sur la dette en volume et non en pourcentage est une escroquerie intellectuelle. Et c’est d’ailleurs ce à quoi François Bayrou s’est livré, avec l’accord ou le consentement des journalistes. S’affoler sur un chiffre, par exemple les 3200 milliards de dettes de la France aujourd’hui, n’a pas de sens tant que l’on ne dit pas également, et dans la même phrase, le montant du PIB ou de l’épargne nette des Français, ou encore le montant de la propriété publique. C’est de la « grosse propagande », et mon père, qui avait connu la fin des années trente, parlait de « Funken Propaganda », en référence aux discours radiodiffusés de Hitler, Goebbels et consorts.


Un État ne rembourse JAMAIS sa dette. Pour la bonne raison qu’une situation où la dette publique serait à 0% serait une catastrophe économique grave (…).


Ensuite, le rapport « dette/PIB » est mystificateur. La dette est un stock (exprimé en valeur nominale) et le PIB est un flux. L’accroissement de la dette s’appelle le déficit budgétaire, quand il est financé par l’emprunt. L’accroissement du PIB...

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