Jacques Sapir répond à Nicolas Bouzou : « Le Frexit reste une possibilité parfaitement envisageable »
ENTRETIEN. Dans les colonnes de L'Express, l'économiste Nicolas Bouzou s'est récemment attaqué à Michel Onfray et à Michel Houellebecq, et plus particulièrement à leur conception de ce que devrait être une France souveraine face à ce que le philosophe et l'écrivain perçoivent comme les facteurs du déclin de l'Occident. Réponse dans les règles avec un autre économiste, souverainiste celui-ci : Jacques Sapir.
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Front Populaire : Dans son texte à charge contre Michel Onfray et Michel Houellebecq, le très libéral Nicolas Bouzou semble considérer que la possibilité d’un Frexit (que défendent unanimement Michel Onfray et Michel Houellebecq) relève du délire. Est-ce le cas ?
Jacques Sapir : Bien sûr que non. Il y a toujours une possibilité de quitter un accord qui ne vous convient pas. On le voit dans le cas du Brexit, comme cela fut analysé par des économistes comme Jean-Michel Salmon [1] ou Julian Jessop. Ce qui est vrai pour la Grande-Bretagne l’est encore plus pour la France, car elle négocierait en position de force. Par ailleurs, la place géographique de la France en Europe exclut la possibilité de mesures punitives prises par l’UE. Si la France le décide, par exemple en rétorsion contre des mesures prises contre elle, elle peut bloquer le transit par son territoire. Dans ce cas, la péninsule Ibérique se retrouverait isolée du nord et de l’est de l’UE, et inversement. En outre, les coûts pour exporter ou importer des produits de l’Italie vers le nord de l’UE augmenteraient énormément.
Cela ne veut pas dire que le Frexit soit nécessaire ou impératif. Nous n’en sommes pas au point de rupture où le Royaume-Uni était arrivé et qui ne lui a pas laissé d’autre choix. Des négociations sérieuses devraient pouvoir avoir lieu pour provoquer des changements institutionnels, quitte à remettre au goût du jour la politique de la « chaise vide » qu’avait pratiquée le général de Gaulle dans les années 1960. Mais le Frexit reste une possibilité parfaitement envisageable, ne serait-ce que pour crédibiliser la position de la France dans une telle négociation. Il fait donc partie des options qui devraient être aujourd’hui sur la table.
FP : En l’occurrence, ce sont les prises de position les plus « souverainistes » du philosophe et...