Derrière les calculs d'apothicaire, la réforme des retraites pose une véritable question de civilisation. Pour préserver notre système par répartition dépendant du ratio entre nombre de cotisants et nombre de retraités, le gouvernement dispose de plusieurs leviers d’action : réduire les pensions, augmenter le temps de cotisation ou augmenter le nombre de cotisants. Le ministre du Travail Olivier Dussopt, en charge du dossier empoisonné, a d'ores et déjà écarté la première option, jugeant « inconcevable de baisser les retraites » — peu étonnant étant donné le score impressionnant d’Emmanuel Macron (40%) en 2022 auprès des retraités.

Le Haut commissariat au plan, dirigé par François Bayrou, considère lui aussi qu’on « ne peut pas envisager » de mettre les  retraités à contribution, eux qui ont pourtant en moyenne un niveau de vie plus élevé que le reste des Français, en plus d’avoir moins de crédits à rembourser et une capacité d’épargne de 27% contre 13% pour les actifs. L’exécutif a donc opté pour la seconde variable à disposition : le report de l’âge légal de départ à 64 ans. Tout en évacuant soigneusement la question du nombre de cotisants… ou plus précisément celle de la capacité de ces derniers à financer la retraite de leurs aînés, qui dépend aussi du taux de productivité.

L’éléphant au milieu de la pièce

À terme, c’est pourtant bien cette variable qui va menacer structurellement notre système par répartition, héritage précieux des ordonnances de 1945 sur la sécurité sociale. La crise démographique est l’éléphant au milieu de la pièce que peu de politiques daignent (ou osent) voir. Le nombre d’actifs augmente beaucoup...