À Erevan, sans visa pour l'Iran
RÉCIT. Non loin du mont Ararat, sur les franges du Caucase, l'histoire de la capitale arménienne Erevan transparaît de son agencement urbain, mais aussi de ses somptueux paysages et de ses nombreux monuments.
En Arménie, j’avais fait le tour du massif de l’Arakadz, par Achtarak, Gumri et le lac Sevan. Puis je devais attendre sept longs jours à Erevan mon visa pour l’Iran. Avec ses avenues larges et arborées, ses places gigantesques et ses parcs immenses, il était agréable de flâner et de déambuler dans la capitale arménienne même si la ville respirait un ennui profond quand j’y étais, dix ans après la disparition de l’URSS, et que l’abattement des habitants s’y ressentait, sauf en ces lieux d’extraterritorialité envahis par les commerces de marques et les temples clinquants élevés aux dieux de la consommation d’Occident.
Le cœur vivant de l’Arménie a toujours battu dans les campagnes, pas dans les capitales bâties au gré des nécessités politiques et des fluctuations dans le tracé des frontières du pays et je me voyais contraint à un repos imposé dans une ville qui ne m’attirait pas, à me promener sans buts précis et m’imprégner peut-être du mystère de l’endroit, à me poser aux terrasses des cafés quand je serais fatigué et m’adonner ainsi à mon plaisir préféré: visiter en prenant mon temps, un livre à la main pour m’éclairer sur ce que je vois, ou pour m’évader et me changer les idées. Il me fallait aimer marcher car Erevan se découvre à pied.
Erevan, ville avortée d’un projet urbanistique grandiose
Surdimensionnée, flottante dans ses habits démesurés sur son corps anémié, avec ses os et ses tendons saillant sous la peau craquelée, comme un mannequin anorexique entre les mains d’un couturier narcissique et méchant, la capitale industrielle de l’Arménie soviétique a été marquée au sceau triste du réalisme socialiste à la sauce soviétique. Pourtant rien de plus envoûtant que cette cité avortée, ébauche d’un projet grandiose, à partir de ce qui n’était qu’un village, selon le plan d’urbanisme...