Affaire Fiona Scott Morton : l’expertocratie au service du lobbying américain
ARTICLE. Pour nommer Fiona Scott Morton économiste en chef à la concurrence — avant que celle-ci finisse par y renoncer d’elle-même —, Bruxelles a tenté de s’arranger avec ses propres règles. Une obstination qui met en lumière une fracture idéologique au sein des eurocrates.
Après le soulagement suscité par le renoncement de l’intéressée vient le temps de la réflexion. Comment diable une Américaine, ex-spécialiste anti-trust sous l’administration Obama et ancienne consultante pour des entreprises comme Microsoft, Apple, Amazon ou Pfizer, a-t-elle pu être nommée économiste en chef à la concurrence par la Commission européenne ? Voilà la question suspendue à toutes les lèvres. Sauf celles de Margrethe Vestager, qui n’a, semble-t-il, toujours pas saisi le problème que posait une telle nomination. La commissaire européenne à la concurrence a simplement déclaré accepter la décision « avec regret ».
Il faut dire que la fébrilité avec laquelle la vice-présidente danoise était venue défendre son choix devant le Parlement européen, lundi 17 juillet, n'avait rien de rassurant. Elle avait alors affirmé, devant les députés européens, que l’évaluation des conflits d’intérêts de Fiona Scott Morton était « en cours ». Après l’avoir nommée donc. Mise en difficulté, elle avait fini par rétorquer que c’était « son passeport qui pose problème » à ses détracteurs. Sous-entendu : si les Européens refusent de charger une économiste américaine d’enquêter sur les comportements anticoncurrentiels des entreprises, d’autoriser les fusions et acquisitions et de valider les aides publiques des États membres, c’est bien entendu qu’ils sont d’affreux xénophobes. L'autonomie stratégique européenne ? Peu importe !
Dérogation rarissime
À la question des conflits d’intérêts qui auraient pu survenir, la commissaire...