Agression russe de l’Ukraine : les raisons d’une guerre (partie 1)
OPINION. Réduire le conflit ukrainien à un affrontement entre la dictature et l’idéal démocratique empêche d’en comprendre les ressorts profonds et d'appréhender la réalité géopolitique du moment.
Au cours du mois de février dernier, quelques-uns des meilleurs spécialistes occidentaux de la Russie ont affirmé, à de multiples reprises, que la guerre d’Ukraine n’aurait pas lieu. De nombreuses raisons semblaient plaider en faveur de cette thèse. Toute personne s’intéressant passablement à la Russie savait déjà le président russe sans scrupules et adepte des « solutions » violentes. Pourtant, au cours des vingt années passées, Vladimir Poutine a souvent fait montre de vraies qualités de stratège et d’un sens réel de l’efficacité. Indépendamment de toute considération morale, ceci laissait supposer qu’il ne se hasarderait pas dans une guerre nécessairement catastrophique pour l’Ukraine, mais aussi pour la Russie. Concédons que nous partagions ces analyses et que nous nous sommes totalement trompés. Tout comme la guerre de Troie, la guerre d’Ukraine a fini par éclater, pourrait-on s’exclamer avec Giraudoux.
Les partisans traditionnels d’une confrontation avec la Russie se sentent aujourd’hui justifiés par les faits et les Cassandre d’hier triomphent, expliquant que la décision de Vladimir Poutine, loin d’être une rupture, est dans la continuité de ce que le Président russe a toujours fait depuis son accession au poste de Premier ministre de la Fédération de Russie, en 1999. Est-ce à dire que tous ceux qui prétendaient porter sur la Russie poutinienne une analyse critique quelque peu nuancée ont donc toujours eu tort ?
Le régime poutinien : une dictature ontologiquement agressive
En considérant l’invasion de l’Ukraine comme la conséquence de l’aveuglement, voire de la complicité, d’une partie de l’intelligentsia européenne qui n’a pas su voir la vraie nature du régime poutinien et la nécessité de s’opposer à lui dès l’origine, les défenseurs d’une ligne dure à l’égard de la Russie avancent de multiples arguments pour expliquer leur clairvoyance.
Selon les uns, Poutine, en bon ex-kagébiste, souhaite restaurer l’Union soviétique. N’a-t-il pas répété à de multiples...