Agression russe de l’Ukraine : les raisons d’une guerre (partie 2)
OPINION. Réduire le conflit ukrainien à un affrontement entre la dictature et l’idéal démocratique empêche d’en comprendre les ressorts profonds et d'appréhender la réalité géopolitique du moment.
Le régime russe, autoritaire par le passé, est graduellement passé d’une démocrature à une authentique dictature. Dont acte. Ceci n’empêche pas que les arguments agités par les contempteurs de la Russie ne sont pas toujours très convaincants. Nombreux sont ceux qui célèbrent, pour faire contraste avec la dictature poutinienne, l’époque de la « démocratie eltsinienne ». Nous savons qu’il est dans la nature des hommes d’oublier, mais peut-être n’est-il pas inutile de rappeler que Boris Eltsine n’hésita pas, en octobre 1993, à faire tirer les chars sur le Parlement russe. Celui-ci, alors dominé par le Parti communiste de Russie, avait, en effet, osé refuser d’obéir à l’injonction inconstitutionnelle de dissolution. Ces événements firent officiellement 187 morts et 437 blessés. La réélection de Boris Eltsine en 1996 fut en grande partie le fruit de la campagne de propagande sciemment organisée par les télévisions des oligarques et fut également entachée de nombreuses irrégularités… Quant à la thérapie libérale de choc menée par le Premier ministre Iegor Gaïdar, et ses conseillers états-uniens issus de l’école de Chicago, elle n’apporta pas la richesse à tous, mais aboutit à l’écroulement de l’économie et à la division par deux du niveau de vie, à la privatisation de l’État et à sa mise en coupe réglée par les oligarques, dont Boris Berezovsky ou Mikhaïl Khodorkovsky constituent les exemples les plus célèbres, et pour finir à un endettement massif qui déboucha sur le krach de 1998. Loin de regretter les merveilles de la « démocratie eltsinienne », la plupart des Russes voient ce temps comme celui du désordre, de l’explosion de la misère et de l’humiliation internationale de leur pays par un chef d’État alcoolique et corrompu. À l’orée des années 2020, pour peu idyllique qu’elle fût, la situation économique et sociale de la Russie était bien meilleure que ce qu’elle était...