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Colonel Luc Marchal : « la normalisation des relations avec le Rwanda ne doit pas se faire à n’importe quel prix »

ENTRETIEN. Le colonel belge Luc Marchal est l’ancien numéro 2 de la Mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda (MINUAR). Il a été au cœur des événements dramatiques de 1994. En ce jour de visite officielle d’Emmanuel Macron au Rwanda, nous l’avons interrogé sur ce dossier brûlant.

/2021/05/Macron-Rwanda-Kagame

Front populaire : Le président français est à Kigali aujourd’hui. Que pensez-vous de cette visite ?

Luc Marchal : Pour être sincère et bref, cette visite me fait penser à une autre visite historique. Celle rendue par Edouard Daladier et Neville Chamberlain au chancelier Adolf Hitler en septembre 1938 et qui s’est concrétisé par la signature des accords de Munich. Le but des émissaires franco-britanniques était de sauver la paix, mais au prix du dépeçage de la Tchécoslovaquie. C’est ce qui fit dire à Winston Churchill : Ils ont accepté le déshonneur pour avoir la paix. Ils auront le déshonneur et la guerre. Qu’en sera-t-il des conséquences de la visite du président Macron à Kigali ? L’avenir nous le dira. En tout cas, au-delà des intérêts franco-français qui sont en jeu, si l’une des conséquences est l’officialisation de la balkanisation en cours de la République Démocratique du Congo, notamment par le Rwanda, alors cette visite serait bel et bien un véritable Munich bis.

FP : Faut-il « normaliser les relations » avec un État qui, en la personne de son président Paul Kagamé, accuse la France de complicité de génocide depuis des années ?

LM : Je peux comprendre qu’une normalisation des relations entre la France et le Rwanda soit recherchée, mais je reste d’avis que cela ne doit pas se faire à n’importe quel prix. Voilà des années que la France est accusée de toutes les forfaitures par le président rwandais. Voilà des années que celui-ci jette l’opprobre sur l’armée française et son action au Rwanda. Plusieurs ressortissants français ont été assassinés en avril 1994 : l’équipage du Falcon 50 et deux gendarmes ainsi que l’épouse d’un des deux. Sans oublier les innombrables autres victimes. Vouloir faire table rase du passé et considérer ces victimes comme des dégâts collatéraux au prix d’une hypothétique normalisation me paraît difficilement acceptable. Pour...

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