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Édouard Husson : "Angela Merkel a forgé un ordoprogressisme"

ENTRETIEN. Seize ans après sa prise de fonction, en 2005, Angela Merkel quitte aujourd'hui la Chancelerie fédérale d'Allemagne. Dans quel état laisse-t-elle le pays ? Qu'en est-il de son bilan ? À quoi faut-il désormais s'attendre ? Historien, spécialiste des relations internationales et fin connaisseur de l'Allemagne, Édouard Husson a répondu à nos questions.

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Front Populaire : Ce dimanche 26 septembre, Angela Merkel quittera ses fonctions de chancelière fédérale d’Allemagne après seize années aux commandes. Entre son arrivée au pouvoir en 2005 et aujourd’hui, quelles grandes conclusions de son bilan doit-on tirer ?

Édouard Husson : Je fais partie de ceux qui jugent sévèrement le bilan d'Angela Merkel. C'est comme si les Allemands avaient subi seize ans de macronisme ! Pour citer l'économiste Christian Saint-Etienne, dans un tweet lapidaire, ce 25 septembre : "En 2019, 7 millions de minijobs en Allemagne. Une pauvreté qui touche plus de 20% de la population dans la 4è puissance du monde. Merkel a poussé le mercantilisme allemand contre les intérêts de l'UE dans le commerce international et a toléré la cassure sociale interne. Exemplaire ?"  On ne saurait mieux dire.

Madame Merkel ne peut pas dire qu'elle a simplement hérité des réformes de Gerhard Schröder. Cela fait seize ans qu'elle est au pouvoir. Elle aurait eu la possibilité d'infléchir la trajectoire. C'était d'ailleurs dans la tradition chrétienne-démocrate. Mais la Chancelière n'a aucune grande réforme économique à présenter à son bilan. Vous m'objecterez certainement qu'elle a été réélue trois fois.

En fait, elle est arrivée à un moment qui avait l'air d'être ce vieux rêve allemand, la "fin de l'histoire". L'Allemagne était devenue une démocratie sans histoire(s) ; l'Union Européenne semblait fonctionner de manière satisfaisante ; l'économie allemande commençait à recueillir le fruit des réformes Schröder. Les Allemands pouvaient se satisfaire d'une Chancelière qui, par son origine est-allemande, leur renvoyait l'image d'une réunification réussie, qui cultivait une apparence modeste, et ne menait pas de "grande politique". La Chancelière Merkel fut bien réélue en 2009 et, encore mieux en 2013, même s'il y eut les deux fois 30% d'abstention – du fait du décrochage social qui avait suivi les réformes Hartz IV de 2004-2005....

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