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Le monde se recompose, et l’Histoire accélère

ANALYSE. Depuis le début de la guerre russo-ukrainienne, et pour la première fois depuis bien longtemps, l'Histoire a repris ses droits, affirme Régis de Castelnau. Pour lui, pas de doute : le règne sans partage de l'Occident sur le monde touche à sa fin.

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L’intervention russe en Ukraine du 24 février a constitué une grande surprise en Occident. Y compris chez ceux qui, comme l’auteur de ces lignes, considéraient que la responsabilité de l’OTAN et de l’Union européenne était lourdement engagée. Cette surprise est finalement le symptôme de ce sentiment de supériorité occidentale si présent dans les têtes, y compris chez ceux qui tentent de ne pas trop s’éloigner du réel et assistent, consternés, au basculement des élites dirigeantes dans un délire inepte. À base de refus d’évidences, de décisions absurdes, de propagande imbécile, de racisme sommaire, de pulsions suicidaires, et pour tout dire d’aveuglement assez terrifiant.

Nous avions dit dans ces colonnes qu’il était possible que l’intervention militaire du 24 février 2022 enclenche un processus pouvant mettre fin à la domination multiséculaire de l’Occident sur le monde. Les événements qui se déroulent depuis quatre mois semblent confirmer cette hypothèse, et en tout cas c’est manifestement la voie que la Russie et les pays « du Sud » ont décidé d’emprunter.

L’Histoire change par bonds, et c’est irréversible

L’aspect militaire de la guerre en Ukraine, sans être secondaire, apparaît comme un élément parmi d’autres de cette soudaine accélération de l’Histoire. Nous assistons en parallèle de la conduite méthodique par la Russie de son « opération spéciale » à la recomposition géostratégique de la planète où l’Occident, isolé, affronte le reste du monde. Ce qui est impressionnant, c’est que l’enjeu de cet affrontement est très clair. Nous avons d’une part une puissance, les États-Unis, qui se considère exceptionnelle et destinée à conduire le monde en organisant sa globalisation comme forme moderne de sa domination. Son système économique est celui du néolibéralisme financier assis sur sa monnaie, son système politique celui de la démocratie représentative abâtardie en oligarchie voire ploutocratie aujourd’hui, son outil juridique le fameux « ordre international fondé sur les règles » qu’il est le seul à connaître et produit en fonction de ses besoins, et son moyen principal la violence militaire. En face, les pays qui représentent l’énorme majorité de la population mondiale, ne veulent plus de cette hégémonie, aspirent à une organisation multipolaire d’États-nations territoriaux, régulée par le droit international issu du dispositif juridique mis en place à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Et dont les économies rejettent le néolibéralisme au profit de schémas où l’État garde sa place.

Les deux systèmes sont incompatibles. Arrêtons-nous quelques instants sur une anecdote qui renvoie à cette différence fondamentale et à l’incompatibilité qui en découle. Deux événements se sont télescopés au début de l’année 2021. Dans le tumulte qui a suivi le scrutin présidentiel américain de novembre précédent, Donald Trump a mis en cause la légitimité démocratique de l’élection...

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