Tatars : la terre charnelle et l’ombre d’Ankara
OPINION. Les Tchétchènes n’ont pas l’apanage de l’influence étrangère au sein des unités paramilitaires ukrainiennes : une faction tatare, incarnée notamment par le bataillon Noman Çelebicihan, est également de la partie.
Les Tatars, turcophones originaires de Crimée, ont été déportés par Staline loin de la péninsule en 1944. Le Vojd (« guide », surnom du dictateur soviétique) déporte la majeure partie d’entre eux en Ouzbékistan. Ils ont développé de ce fait un ressentiment collectif envers Moscou. Si l’URSS a reconnu le préjudice porté à leur peuple en 1967 et leur a permis un retour en Crimée à partir des années 1980, les Tatars ont surtout depuis lors un réel attachement pour l’Ukraine qui les a accueillis à bras ouverts après la chute de l’empire soviétique. Pour rappel, la Crimée a été rattachée à la République soviétique d’Ukraine en 1954 par Khrouchtchev pour le 300e anniversaire de la réunification des peuples russes et ukrainiens. Suite à l’annexion de la péninsule en 2014, la reconnaissance des droits des Tatars par la République de Crimée prorusse n’a rien changé : défiants vis-à-vis de Moscou, ils sont majoritairement pro-ukrainiens et nombreux sont ceux qui ont fait un exil cette fois choisi pour aller du côté de Kiev.
Certains même vont jusqu’à s’engager pour ce qu’ils considèrent désormais comme leur patrie : le bataillon Noman Çelebicihan est créé en 2016, annonce faite par Mustafa Dzhemilev, ancien président du Mejlis (assemblée représentative des Tatars de Crimée) entre 1991 et 2013. Formé en 2017, il porte le nom de l’ancien chef politique et religieux de l’éphémère République populaire de Crimée (1917-1918), exécuté par les bolcheviques pendant la Guerre civile russe. Il aligne 250 hommes.
Les liens avec la Turquie de la communauté tatare de Crimée sont historiques et factuels : lorsqu’il appelle...