Xavier Driencourt : « Le pouvoir algérien montre aux Anglo-Saxons qu’il se débarrasse de la France »
ENTRETIEN. Xavier Driencourt, diplomate et ex-ambassadeur de France à Alger de 2008 à 2012 et de 2017 à 2020, réagit pour Front Populaire à l'annonce du pouvoir algérien de faire adopter « l’anglais comme langue d’enseignement » dans le monde universitaire. Selon lui, l'Algérie souhaite défaire tout lien avec la France, vue comme sa tutelle culturelle et éducative.
Front Populaire : Cela est passé assez inaperçu. Un article du Figaro relate que le samedi 1er juillet, le secrétaire général du ministère de l’Enseignement supérieur algérien a indiqué aux présidents des universités de son pays vouloir faire adopter « l’anglais comme langue d’enseignement », selon les sources du journal panarabe Asharq Al-Awsat, dans un extrait traduit par le Courrier international. En octobre 2022, le président algérien Abdelmadjid Tebboune annonçait vouloir introduire l’enseignement de l’anglais dès la 3e année de primaire, soit en même temps que le français. Il affirmait alors que « le français est un butin de guerre mais l’anglais est la langue internationale ». Qu’en est-il réellement ? Dans quelle mesure le français est-il encore une langue d’usage en Algérie ?
Xavier Driencourt : Cela fait maintenant plusieurs années que le pouvoir algérien cherche à se débarrasser de ce fameux « butin de guerre » qu’est la langue française, langue de l’ancien colonisateur.
Il y avait certes eu la politique d’arabisation des années 1970, mais de manière générale, le français restait la langue « utile », parlée par les élites, l’administration et les entreprises. Depuis quelques années, il y a une volonté délibérée d’éliminer le français, et de le remplacer par l’arabe d’une part, langue de l’islam, et l’anglais d’autre part, au nom d’une prétendue modernité, et ceci avec le concours discret mais massif et intéressé des pays anglo-saxons, les États-Unis et le Royaume-Uni en tête. En 2020 déjà, le ministre de l’Enseignement supérieur avait demandé le remplacement du français par l’anglais, ce qui...