Cette épidémie d'autodéfense qui vient
CONTRIBUTION / OPINION. Décivilisation d'un côté, impuissance publique de l'autre : c'est, selon notre contributeur, dans ce triste étau que pourrait se forger la sauvagerie de demain. Une sauvagerie d'autodéfense, et une réponse désespérée à une justice de moins en moins présente.
La réaction populaire à l’explosion des agressions physiques (au couteau, à la machette, à la Kalachnikov, à coups de pieds dans la tête et même, dernièrement, à la hache) reste pour le moment très mesurée et empreinte d’une grande dignité. Cependant, les assassinats – notamment d’enfants – se multipliant et la justice demeurant passive, combien de temps faudra-t-il encore pour que les familles endeuillées passent des marches blanches à des réactions brutales d’autodéfense ?
En 1974 sortait sur les écrans « Un justicier dans la ville » de Michael Winner, avec Charles Bronson. L’inoubliable « homme à l’harmonica » du « Il était une fois dans l’ouest » de Sergio Leone interprétait cette fois Paul Kersey, un ancien objecteur de conscience qui, face à l’inertie de la justice, bascule dans une violence vengeresse et jusqu’au-boutiste après que sa femme et sa fille ont été victimes d’une agression par une bande de voyous. Cette série B initiale a engendré de nombreuses suites nanardesques où Bronson (alias « le justicier ») démastique à la chaîne et dans un invraisemblable déchaînement d’hémoglobine des quantités inouïes de racailles criminelles toutes plus patibulaires les unes que les autres.
« Un justicier dans la ville » est considéré, à l’égal de « L’inspecteur Harry » de Don Siegel et avec Clint Eastwood, comme le film fondateur du sous-genre cinématographique dénommé « vigilante movies » (en français : films d’autodéfense). Les « vigilante movies » reposent toujours sur la même base scénaristique : un ou des innocents sont agressés, violés ou tués par des criminels qui évoluent dans l’impunité la plus absolue, parce que la police et la justice sont dépassées et incompétentes, voire corrompues. Ensuite, un « justicier » solitaire venge les victimes en dessoudant salement les criminels l’un après l’autre.
Que recherche le public de ce type de film ? Une morale, la...