Charbonnier est maître chez lui

OPINION. Bien plus qu’un concept théorique pouvant parfois sembler abscons, le souverainisme s'incarne. Et cela autant dans une chanson de Brassens que dans la vie des gens ordinaires.

/2022/01/BRASSENS


« Elle est à toi cette chanson, toi l’auvergnat qui sans façon m’a donné un bout de pain quand dans ma vie il faisait faim… » La plupart d’entre nous, éduqués dans un temps que les moins de vingt ans ont renoncé à connaître, ayant préféré s’assimiler à la culture américaine plutôt qu’à celle, toute crottée, de leurs peigne-culs d’ancêtres — comme aime à le dire Bernard Henry Lévy en des termes plus édulcorés — sauraient prolonger cette chanson de Georges Brassens.

Malgré sa réputation d’avarice à l’image de celle des Écossais, le pauvre auvergnat pouvait se montrer généreux pour plus pauvre que lui. Ne serait-ce pas l’apprentissage de la misère qui sait rendre solidaire ? Mais le bougnat (vins & charbons) possède d’autres valeurs qui, d’un premier abord, peuvent sembler moins partageuses selon les critères de la doxa post-moderne. Sa boutique a beau être misérable, il clame fièrement : « Charbonnier est maître chez lui ! » De quoi cet édenté nous parle-t-il au travers de sa barbe broussailleuse ? Veut-il dire par là qu’il laissera dans la froidure le voyageur perclus d’engelures quand surviendra le mauvais temps ? Pas forcément ! Il délimite simplement le seuil de sa porte, la frontière de sa souveraineté, son unique et dernier sanctuaire. Il est le seul possesseur de la clef et seul juge de son emploi. Seul lui peut décider des lois intérieures qui régissent son foyer selon son bon sens populaire issu d’un instinct naturel. Seul lui est légitime pour choisir avec qui partager le pain bis de son héritage impalpable dont il est l’usufruitier de plein droit.

Quand le gérant de fonds de pension, le politique au petit pied, le député à la petite semaine, le propriétaire grand-bourgeois, l’industriel délocalisé, tous ceux qui font la loi en arbitrant à leur avantage l’intérêt commun et le rendement de leurs valeurs...

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