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De la médecine de la preuve à l’escroquerie scientiste : la controverse de l’EBM

OPINION. La crise sanitaire a exposé aux yeux du grand public la controverse scientifique autour de l’EBM (médecine basée sur les preuves). Pour l’auteur cancérologue, le dévoiement dont ferait l’objet ce concept pourrait gravement porter préjudice à la médecine.

/2021/11/SANTE-MEDECINE-EBM


Depuis près de quarante ans, la pratique médicale nationale et internationale est fondée sur l’EBM — « evidence based medicine », soit en français, la médecine fondée sur les preuves. C’est dans les années 80 que Gordon Guyatt, médecin canadien, formalisa par écrit cette pratique qui avait cours depuis déjà 10 à 20 ans. Si on veut être le plus exact dans la définition, on parle de la médecine fondée sur des données probantes. Le langage médiatique ou administratif s’est immédiatement emparé du concept pour le requalifier en « médecine scientifique ».

Cette définition propulse donc au premier plan les « données probantes », c’est-à-dire pour parler superficiellement les preuves issues de l’expérimentation scientifique. Et la discussion s’installe immédiatement : quelle expérimentation ? L’expérimentation scientifique externe — c'est-à-dire hors l’expérience clinique du médecin — qu’on appellera « les données de la littérature » ? Ou l’expérience clinique du médecin, qui se fonde également sur des constatations et un raisonnement ? Les deux ont à l’évidence une valeur équivalente.

Ainsi, dès la création de ce concept apparaît cette notion : sans l’expertise clinique, la pratique médicale risque de tomber sous la tyrannie de la preuve, puisque même les plus excellentes preuves externes — qui ne sont pas si fréquentes nous le verrons plus loin — peuvent être inapplicables, ou inappropriées au patient. « Evidence » renvoie donc dès la création du concept à ces deux impératifs. Ainsi, le processus de l’EBM, initialement posé par ces auteurs, doit passer par les étapes suivantes :

1) La formulation d’une question clinique claire à partir d’un problème clinique posé ;
2) La recherche dans la littérature d’articles cliniques pertinents sur le problème ;
3) L’évaluation critique des résultats trouvés (« niveau de preuve ») ;
4) La mise en application de ces résultats dans la pratique clinique pour une prise en charge personnalisée de chaque patient.

Il est clair que l’ordre...

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