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Hannah Arendt, la liberté pour comprendre

CONTRIBUTION / OPINION. De la banalité du mal aux origines du totalitarisme, Hannah Arendt nous rappelle l’exigence première de la pensée : comprendre sans juger, observer sans se soumettre. La lucidité comme condition de la liberté.

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Crédits illustration : ©Fred Stein/AP/SIPA


Il existe une division fondamentale dans la science politique qui réside exactement dans la vision que nous pouvons adopter pour analyser le monde qui nous entoure. Cette division est ancienne, mais reste d’actualité. Comme l’a écrit Pierre Manent dans son Histoire intellectuelle du libéralisme, Machiavel comme maître de la méfiance s’affirme, et depuis lors, la méfiance ne nous a plus jamais quittés. Contrairement aux philosophes de la Grèce antique qui analysaient le monde et les régimes politiques comme ils devraient idéalement être, Machiavel les a décrit exactement comme ils sont en réalité — comme quelqu’un qui observe les événements à l’extérieur des murs de la « cité ».

Ainsi pouvons-nous affirmer que Schumpeter sera aussi le maître de la méfiance vis-à-vis des régimes démocratiques. De ce fait, la relation des élites avec du régime démocratique n’est qu’un rapport utilitaire d’offre et de demande en vue de maintenir son propre pouvoir, donnant l’illusion de l’existence d’un véritable choix de la population, à l’exclusion de toutes les évaluations normatives de l’équation (État de droit, liberté politique et d’expression, suffrage universel, etc.). Contrastant par exemple avec la conception de polyarchie de Robert Dahl comme modèle démocratique idéal.

En d’autres termes, nous avons toujours à l’esprit cette dichotomie idéaliste versus réaliste, soit dans le monde de la théorie politique ou de la politique active. Bien que naturel, cette dichotomie peut atteindre un degré de conflictualité irréconciliable et dangereuse pour les sociétés en ce qui concerne leur avenir et leur propre existence.

Lors des différentes interviews qu’Hannah Arendt a faites tout au long de sa vie, elle a catégoriquement refusé de se cataloguer comme philosophe ou théoricienne politique.

Elle proclamait toujours « Ich muss verstehen » (J’ai besoin de comprendre). Arendt critiquait vivement les « penseurs de profession » pour donner la priorité à leur système de pensée au détriment...

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