Il n’y a plus d’équivalent moral de la guerre
CONTRIBUTION / OPINION. Cette expression inspirée de William James proposait de recycler l’âme guerrière des nations vers des objectifs plus nobles. On pense à la transition écologique, au sauvetage des démocraties, par exemple. Finalement, on préfère la guerre.
:max_bytes(300000)/frontpop/2025/07/SIPA_sipa60035050_000043.jpeg)
Curieuse expression. On hésite entre deux lectures, oxymore ou antinomie ? Ni l’un ni l’autre. L’expression d’« équivalent moral de la guerre » fut inspirée par le philosophe William James en 1910, avant que d’être reprise par d’autres grands penseurs et personnages politiques. L’idée fondatrice était de recycler l’âme guerrière d’une nation, son énergie négative en quelque sorte, vers un objectif plus noble. Car si les conflits armés n’étaient pas souhaitables, certaines vertus leur étaient reconnues. L’esprit de groupe, le projet collectif, voire le sacrifice, le tout animé d’un discours fédérateur par l’autorité en place. Mais une telle lutte pacifique pouvait-elle exister ? Longtemps nous l’avons cru, voire touché du doigt. Mais aujourd’hui, cette idée est retoquée par le réel. Il semble bien qu’il n’existe plus d’équivalent moral de la guerre. On lui préfère la vraie guerre.
Il est vrai que l’expression d’équivalent moral de la guerre peut paraître nébuleuse ou naïve. Pourtant, l’Histoire a bien produit des cas présentant de telles caractéristiques. Parmi les plus célèbres, il y eut New Deal du président Roosevelt dans les années 30, marqué par l’instauration de la « Civilian Conservation Corps ». Ce programme avait un double objectif : la relance économique et la restauration des ressources naturelles. Sa pleine réalisation convoquait alors les fameuses vertus recherchées d’équivalent moral de la guerre : la discipline, le travail d’équipe, le sens du devoir, et un discours qui fédère. Mais l’illustration la plus célèbre est le fameux discours de Jimmy Carter en 1979. Le président y appelle les Américains à une mobilisation morale et collective contre la dépendance au pétrole, qu’il présente comme une menace aussi grave que n’importe quelle guerre. Il cite alors directement l’expression de William James à l’origine de l’idée : « Cet effort difficile sera l’équivalent moral d’une guerre — sauf que nous unirons nos efforts pour construire, non pour...