TémoignageAssimilation

Hommage à un immigré

OPINION. À l’heure où la France subit une immigration non maîtrisée et mal assimilée, notre lectrice nous raconte une histoire, comme il en existait beaucoup, d’assimilation et de transmission heureuse.

/2023/01/HommageImmigre


C’était une petite fille à la fois vive et rêveuse. Elle avait consenti à dormir avec des bigoudis, afin que sa queue de cheval dorée soit toute bouclée. On lui avait confectionné une robe blanche, gonflée d’un jupon de tulle, avec des volants piqués de nœuds roses. On l’avait bombardée de recommandations quant à ce qu’il convenait de faire : rien ne manquait plus pour la cérémonie.

Dans le parc municipal où se pressait tout le village, on avait sorti et disposé par rangées les chaises pliantes. Une estrade était dressée, accueillant sur leurs fauteuils droits les représentants et dignitaires appropriés. Il faisait beau en ce mois d’été, et l’approche des vacances détendait l’atmosphère sans entamer la solennité du moment.

Les discours se succédaient et ses parents, derrière elle, patientaient avec un air d’anticipation heureuse ; son père lui avait répété, émerveillé : « Tu vas monter avec la Marseillaise, ma fille ! » Et à l’appel de son nom, elle avait parcouru le chemin à travers la foule pour monter, en musique, sur l’estrade recevoir son Prix d’Excellence. Elle avait dû passer de chaise en chaise, accepter les baisers mouillés d’inconnus, vieux et moustachus, mais avait reçu en retour avec joie tous ces livres conquis. Puis elle s’en était vite repartie avec ses trophées, s’immerger dans la fierté radieuse de son père : elle était montée avec la Marseillaise !

Ce père, dont le léger accent intriguait ses maîtresses d’école, qui l’avaient interrogée à ce sujet, mais elle ne le percevait pas, bien sûr, rien pour elle n’était étrange ni étranger chez lui. Il avait pourtant débarqué à l’âge de dix ans dans le port de Marseille, après un long périple et de dangereuses péripéties. Son propre père, condamné deux fois à l’exil par les soubresauts du monde et ayant perdu chaque fois de sa fortune,...

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