La fin des vertus dormitives du dollar et de la dette américaine
CONTRIBUTION / OPINION. Longtemps perçue comme une valeur refuge, la dette américaine perd de sa magie protectrice. Entre stratégie politique et fragilité structurelle, l’administration américaine remet en jeu un pilier de la stabilité mondiale.
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La dette américaine est, ou plutôt était ce que l’on appelle une valeur refuge. On peut s’interroger sur le fondement rationnel d’un tel fait, mais pas sur sa réalité. En cas de crise économique ou financière sévère, les investisseurs avaient bien comme réflexe d’acheter de la dette souveraine américaine, notamment ou principalement parce qu’elle était libellée en dollars devise de réserve. Cette dette souveraine américaine opérait alors comme une forme d’assurance tout risque. On peut oser la référence aux célèbres vertus dormitives de l’Opium invoquées par l’aspirant docteur de Molière, à qui le savant demandait pourquoi l’opium endormait. Avec un peu d’imagination, on peut donc considérer que ce dollar — dette valeur refuge proposait aussi quelques vertus dormitives apaisantes, particulièrement bienvenues pour l’investisseur en cas de crise. La dette souveraine américaine avait des propriétés prophylactiques en quelque sorte. Bien évidemment, tout ceci était faux. Mais cela fonctionnait. Et c’est cela qui était le plus important, cela fonctionnait même si l’on n’y croyait pas.
Or, la nouvelle administration américaine a choisi de se passer des vertus dormitives du dollar et de la dette souveraine. D’abord, en multipliant les mesures ou menaces anticipant un dollar moins fort, d’où l’escalade tarifaire. Mais aussi en invitant les détenteurs de dette souveraine américaine à l’échanger contre une dette de maturité bien plus longue, 100 ans par exemple. Dans les deux cas, le statut de valeur refuge est mis en défaut, celui-là même garantissant l’absence d’incertitude de l’actif américain en cas de crise. Sommes — nous à l’aube d’un crépuscule du dollar — dette valeur refuge ? La fin de ses vertus dormitives ? L’administration américaine a-t-elle conscience qu’elle est peut-être sur le point de scier la branche sur laquelle reposent son économie et sa finance ? Le statut de valeur refuge est peut — être un mythe, mais...