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Le bonheur d’Edgar

FICTION. Une fois n’est pas coutume, nous ouvrons aujourd’hui pour la première fois nos colonnes à une fiction. Un texte court, sur le thème des « inégalités » et de la paupérisation comme nous l’a précisé son auteur.

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Edgar ferme les yeux un peu plus fort. Il est tellement tôt, et comme chaque fois que son grand-père le secoue gentiment en l’appelant pour le tirer du lit, afin de l’accompagner à la pêche, il essaye de grappiller quelques secondes de sommeil en plus. C’est l’été et comme tous les ans, il est en vacances chez ses grands-parents, dans un quartier populaire de Marseille. Il savoure encore ces derniers instants dans la douceur des draps. Il entend les bruits légers de la ville qui s’éveille venant de la fenêtre ouverte, cela sent bon le café que sa grand-mère prépare pour eux, pour les « mettre en route » comme elle dit. Ainsi il serre les paupières, quelques instants, pour mieux profiter du contraste des rayons chauds, presque dorés, du soleil méditerranéen qui déjà envahissent la chambre, et lui feront un peu mal quand il ouvrira les yeux tout grand, d’un seul coup.

C’était devenu une tradition. A six heures, son grand-père réveillait Edgar pour aller pêcher. Il avalait le grand bol de café de sa grand-mère, il se chargeait de la musette avec les sandwichs, son grand père portait le matériel de pêche, et ils descendaient en bavardant vers la mer. C’était donc un de ces jolis matin de bonheur d’enfant comme les autres. Son grand-père le secoue gentiment par l’épaule.
« Edgar mon petit bonhomme, on se réveille. Canaille, je sais bien que tu fais semblant de dormir. Allons debout, paresseux. Le poisson va ficher le camp. »

Son grand-père, comme tant d’autres italiens dans les années 30, avaient pris le chemin de l’exil français. Il pensait n’y rester que quelques années, mais successivement mineur de fond puis ouvrier à la chaîne il y était demeuré jusqu’à la retraite qui l’avait surpris dans un petit chantier naval à Marseille. C’est ainsi que...