À demi nu sur une plage déserte, le regard détendu par les vagues, votre smartphone est à vos pieds. Vous pouvez presque deviner le grésillement continu qu’émet votre appareil domestique, captant votre position, commerçant avec les publicités diverses qui vous ont pris pour cible lors de vos allers-retours sur Internet. De la plage jusqu’aux satellites, des ondes fusent entre le sable chaud et le souffle glacé de l’univers. Votre cœur ne bat plus sans que son aura électromagnétique ne soit captée et recopiée sur toute la terre. Vous voilà bronzés, libres, recouverts d’une sueur délicate et pourtant, sans le savoir, l’air tiède où vous nagez est un perpétuel scanner, une toile d’araignée qui vous colle à la peau plus encore que le sel.

Le numérique n’est pas si désagréable que cela. Il est même aimable, secourable. Il vous accompagne depuis quelques années comme un chien fidèle, une ombre accommodante. Cependant, vous n’êtes plus seulement sa cible. Non. Il ne prend même plus la peine de vous démarcher. C’est qu’il n’en a plus besoin. Vos faits et gestes sont devenus sa nourriture. Mieux que captés, ils sont devenus sa source de croissance.

Numérique partout, humain nulle part

Et pour cause, nous assistons actuellement à un développement à tout crin, non plus du numérique, qui se porte donc très bien, mais de la politique en sa faveur. Regardez donc tout ce que l’on propose : l’État finance l’embauche d’animateurs parcourant, tels des pèlerins, les territoires reculés dans l’idée d’y diffuser l’apprentissage du numérique. C’est une paille de deux cents millions d’euros depuis 2022. Quatre mille marcheurs missionnés dans tout l’hexagone, qui se retrouveront bientôt pris en charge par les intercommunalités. Toutes les catégories de citoyens sont désormais mobilisées. Mamie esseulée du fond de la Creuse ? Numérique ! Togolais séjournant à Lyon, en difficulté avec...