Les usages politiques de l’histoire

OPINION. Si l’on doit aux historiens athéniens Hérodote et Thucydide l’invention de l’histoire comme discipline scientifique, celle-ci a maintes fois servi d'instrument de gouvernement des peuples, rappelle Ambroise Tournyol du Clos, professeur agrégé d’histoire à Saint-Chamond, dans la Loire.

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Opposants et défenseurs de la réforme des retraites se sont à nouveau affrontés à coup d’arguments historiques. Les uns, comme les Insoumis, défendent l’idée que, depuis deux siècles, la baisse du temps de travail est proportionnelle aux gains de productivité. Les autres, comme le camp présidentiel, avancent que l’augmentation du temps de travail est la conséquence logique de l’allongement de l’espérance de vie. Dans tous les cas, refuser ou défendre la réforme des retraites, c’est aller dans « le sens de l’histoire ». Chacun de défendre sa pente historique.

L’histoire comme outil de propagande

Cet usage politique de l’histoire est ancien ; il en est même l’inspiration primordiale. L’histoire est née en Égypte au IVe millénaire av. J.-C. comme un outil de propagande politique. Il s’agissait alors simplement, à travers des listes de pharaons et de leurs dynasties respectives, d’inscrire dans la pierre d’éternels éloges à la monarchie égyptienne. Si l’on doit à Hérodote et Thucydide, historiens athéniens du Ve siècle av. J.-C., l’invention de l’histoire comme enquête, appuyée sur des preuves, la discipline est restée jusqu’à nos jours un instrument de gouvernement des peuples. La fin du providentialisme au XVIIIe siècle, la révolution professionnelle de l’histoire au XIXe siècle, et la compétition successive des différents modèles historiographiques au XXe siècle, de l’École des Annales à l’histoire globale, en passant par le marxisme et le structuralisme, ont beau avoir plaidé l’autonomie de l’histoire, elles ne sont pas parvenues à l’affranchir complètement de ses usages politiques. Sur les bancs de Sciences Po et de l’ENA, on apprend encore à faire de l’histoire un argument électoral. Machiavel peut se frotter les mains ! Le Prince, maître de l’occasion et du dédoublement, continue à faire des émules. Notre président de la République en sait quelque chose, lui qui a su tourner à l’avantage de sa réélection...

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