Ne pas confondre ultra et ultra
OPINION. Utilisé pour discréditer des adversaires politiques, le terme « ultra » est étymologiquement beaucoup plus noble que dans notre représentation collective, soutient notre lecteur.
Sur le Chemin de Compostelle, les marcheurs, pèlerins ou randonneurs, se saluent souvent d’un sympathique « Ultreia ». Un mot composé qui vient du latin « ultra » pour se dire, après les souhaits de « buon camino » : « continue, va au-delà, du chemin et de toi-même », adverbe auquel on a accolé l’interjection « eia » pour signifier l’encouragement verbal ajouté à l’invitation à se dépasser sans cesse, physiquement et spirituellement.
En politique, l’adverbe latin « au-delà de » est devenu, à gauche comme à droite, le qualificatif péjoratif dont on affuble les mouvements extrêmes accusés par leurs adversaires et les médias, de franchir, comme le disait l’enfant de la publicité, les bornes des limites. Ultra gauche et ultra droite sont ainsi réunis sans autre forme de procès dans la même détestation et le même rejet de la pensée unique et du prétendu politiquement correct.
Alors qu’en inversant simplement l’ordre des facteurs, disons des qualificatifs, Gauche ultra et droite ultra, ces appellations remises à la bonne place, pourraient leur permettre de retrouver l’aura de l’excellence qui caractérise généralement l’association d’un nom commun et de l’adverbe latin. Quand « ultra » précède un mot, il procède aussitôt d’un jugement de valeur très négatif et de la critique la plus radicale. Vade retro, Satanas !
Mais si l’on veut bien placer « ultra » après, comme on le fait avec Extra quand il s’agit de se féliciter et de se réjouir de quelqu’un ou de quelque chose, n’y aurait-il pas lieu de reconsidérer, et pas seulement grammaticalement, les concepts et les réalités de gauche ultra et de droite ultra ? Qui, comme l’Ultreia du Chemin, leur permettraient alors d’invoquer courageusement les avancées à poursuivre, et d’inviter d’un côté comme de l’autre, voire des deux côtés ensemble, face aux piétinements incohérents des soi-disant Marcheurs, à cette révolution astronomique qui fait que la terre tourne. Et dont, au moment où...