Jean AnouilhAntigone

Salut à Jean Anouilh !

OPINION. Jongleur entre comédie et noirceur, entre le classique Antigone et des créations plus contemporaines, le dramaturge Jean Anouilh a profondément marqué son époque. Dans ce texte, notre abonné rend hommage à ce scénariste dont l’« impertinente pertinence » manque cruellement à notre temps.

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En voilà un qui naquit Bordelais, comme François Mauriac en 1885. Mais pour celui qui nous émeut aujourd'hui, c'était en juin 1910. Il eût mérité d'être maire de Bordeaux, comme Montaigne, lequel était moins tiède qu'on veut bien l'affirmer en épluchant, sans les lire vraiment, ses fameux Essais. Hélas, en fait, on épluche Montaigne, comme on le fait avec des bananes ou des pommes de terre. Ce Bordelais qui fut un enfant sensible et passionné, né dans les premières années du XXe siècle, c'était un esprit délié et ironique, un désespéré aux mots jetés en étincelles, comme des feux de Bengale et des fusées joyeuses ; c'était un spécialiste de l'uppercut théâtral, de style majeur et efficace, et il s'appelait Jean Anouilh. Un mauvais jour d'octobre 1987, il mourut, à Lausanne.

Son théâtre, d'une cocasserie aux couleurs variées, entre le rose et le noir surtout, fit se plier de rire les fauteuils et bondir comme des diables, décidément mauvais, les critiques. Ces derniers sont souvent des petits animaux craintifs, plus piteux que pitoyables. Aujourd'hui, on continue à tartiner sur Jean Anouilh quelques phrases absurdes, dans le ton de ces critiques-là, en affirmant que cet homme libre et fidèle dans ses amitiés fut pour ces bestiaux-là, ces animaux à taches calligraphiées de manière besogneuse, un diviseur, un odieux provocateur, un affreux réactionnaire, voire même, injure suprême, un indécrottable « fasciste » !

Disons-le tout haut, et simplement : Jean Anouilh ne fut pas que le rénovateur de mythes tragiques, il n'a pas jeté au public que l'éclatant exemple renouvelé d'Antigone et de son opposition à Créon. Ni les seules beautés de L'Alouette. Cinquante années de passion théâtrale, dans l'écriture et la mise en scène, voilà ce qui illustre le génie plein, complet, du monarque amer et lucide, tendre et désinvolte, ironique et subtil,...