Ukraine, Russie : le retour du tragique
CONTRIBUTION/OPINION. Au bout de plusieurs décennies sans conflits sur notre sol, nous, européens de l’Ouest, avons perdu de vue le tragique de l’histoire. Un sens que tout bon géopoliticien se doit pourtant d’aiguiser.
Il faut expliquer au peuple français qui ne veut pas d’une guerre que celle-ci engage sa nation ; nation dont la souveraineté a été marchandée, puisque le spectacle géopolitique contemporain marchandise chaque nation. Il va falloir prêcher un esprit de défense là où rien ne se propage plus, car sans nation, pas de liant, pas de corps où peut se perpétuer l’esprit d’un peuple. C’est donc dans la représentation du monde, dans l’esprit du temps, et par le moyen des réseaux sociaux, que la propagande géopolitique va produire son ouaille, sa patrie d’emprunt, son vecteur d’identité pour l’engagement. L’esprit de défense subit ainsi une profonde mutation, puisque né de l’appropriation patriotique il a mué en une communauté de valeurs qui agrègent peuples, territoires, civilisations, autour d’enjeux partagés de part et d’autre une ligne où s’exerce la confrontation à l’altérité. Sortie de la croyance à la paix perpétuelle — que le règne de la raison était supposé maintenir —, une nouvelle humanité, une humanité de transition, surpeuplée, spécifiquement entropique, produit et représente un état de guerre perpétuelle, où se jouent la postérité et l’existence de l’ensemble de ses peuples. Un état de guerre définitif pour cette humanité-là. Les considérations qui suivent permettent d’établir un fondement pratique à cet engagement dans l’inexorable.
La géopolitique n’est pas une science objective, elle est étroitement liée à la psychogéographie situationnelle des acteurs (nations, organisations, alliances), et, en matière d’analyse stratégique, on ne peut jamais vraiment prétendre à la dérive… On est engagé, d’emblée, dans une configuration polarisée. Croire qu’on a la liberté d’introduire de l’idéologie ou même de l’éthique dans le jeu conflictuel des nations relève de l’inanité politique, ou de la propagande. La géopolitique n’est pas un domaine de l’analyse qui serait délivré de la relativité du sujet produisant l’analyse ; elle est l’actualité...