Philippe Grégoire : « L'agro-industrie utilise les écolos comme épouvantail pour ne pas se remettre en question »
ENTRETIEN. Le mouvement d'écologistes radicaux Extinction Rébellion a lancé une campagne militante à l'encontre du gouvernement pour exiger une réforme du modèle agricole français. Sans partager toutes leurs revendications, l'agriculteur Philippe Grégoire estime qu'ils ont au moins le mérite de dénoncer un système qu'il faut revoir urgemment. Il nous explique pourquoi.
Philippe Grégoire est producteur de lait dans le Maine-et-Loire et responsable à la commission agricole de République souveraine.
Front Populaire : Les activistes écologistes d’Extinction Rébellion ont lancé une campagne militante contre le gouvernement et la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles) pour exiger la refonte du système agricole à l’aune des enjeux environnementaux. Comment percevez-vous ce genre d’actions ?
Philippe Grégoire : Il est évident qu’il y a, dans ces mouvements militants, des franges extrémistes. Je ne me prononcerai pas sur les autres sujet, mais sur celui de l’agriculture, si l’idée principale est qu’il faut revoir le modèle de fond en comble, alors nous, agriculteurs, ne pouvons qu’être d’accord. L’agro-alimentaire détruit les paysans, et pas seulement en France. Plus de 85% des gens qui meurent de faim dans le monde sont des paysans.
En plus de nourrir la population, les paysans entretiennent les territoires. Il n’est pas normal que 75% des agriculteurs français gagnent moins du SMIC avec 80 heures de travail par semaine et 250 000 euros d'endettement moyen. Il y a un vrai problème. Il faut aussi avoir à l’esprit que nous sommes de plus en plus dépendants. On était le modèle agricole de l’Europe il y a encore quelques années. Aujourd’hui, on importe plus de 20% de notre alimentation.
FP : Le tout est de savoir quoi changer. Les activistes revendiquent notamment la fin de l'agriculture intensive, la suppression des engrais et des pesticides, ou encore la réduction de la production de viande. Cela vous parait-il possible et même souhaitable ?
PG : Ça dépend. Arrêter l'agriculture intensive et industrielle peut se faire, mais progressivement....