« Il était auprès de ses élèves comme il était auprès de ses amis » : Paule Orsoni, amie de Dominique Bernard, témoigne
ENTRETIEN. L'assassinat, le 13 octobre dernier, de Dominique Bernard, professeur de lettres au lycée Gambetta d'Arras, a rappelé à la France que le terrorisme islamiste tuait encore. Si Dominique Bernard était un enseignant respecté et aimé de ses élèves, il était aussi une figure de l'Université populaire d'Arras, créée dans le prolongement de celle fondée par Michel Onfray à Caen en 2002. La professeur de philosophie Paule Orsoni, qui était à ses côtés dans ce projet d'éducation populaire, comptait parmi ses proches amis. Elle nous a raconté l'homme.
Front Populaire : Vous étiez proche de Dominique Bernard. Quel genre d’homme était-il ?
Paule Orsoni : Quand quelqu’un disparaît, il y a toujours un récit qui est construit autour de ce que l’on sait de cette personne. Mais je vais essayer d’être au plus proche de ce qu’était Dominique Bernard, que j’ai très bien connu. Nous étions liés d’une amitié très profonde. Pour tout vous dire, c’était plus qu’un collègue. Il était un peu comme un frère.
C’était un homme bienveillant. Quelqu’un de très attentif. Il était auprès de ses élèves comme il était auprès de ses amis. Il était curieux de tout. Il était grand lecteur. Il aimait partager. Par exemple, nous avions l’habitude de beaucoup communiquer par mail, et il aimait partager les lectures qu'il lui avait plues et nous en discutions.
Dominique était dans le respect de l’autre. Il était en permanence dans une exigence éthique. Il était un homme droit, une personne sur laquelle on pouvait compter. Il avait ce côté profond de ceux qui réfléchissent, mais également, je le rappelle souvent, un côté facétieux. On voyait dans ses yeux toujours un petit peu de sourire. On pouvait dire que ses yeux souriaient, si vous voulez, ce qui témoignait de la distance qu'il avait à l'égard de tout. À l'égard de sa pratique d'enseignant, par exemple, tout en étant un enseignant extrêmement sérieux et dévoué vis-à-vis de ses élèves. Il avait toujours l'interrogation nécessaire pour maîtriser, je dirais par la réflexion, l'outil de son travail.
Je ne suis pas tout à fait croyante, mais je pense que là où il est, il doit sourire. Il doit vraiment sourire. En même temps, Dominique était très cultivé et très modeste. Pas pontifiant du tout. Les choses sont fluides, il était fluide avec lui-même.
FP : En parlant de croyances : quel rapport...