La calculette manuelle : nostalgie d’une époque modeste
RÉCIT. Cet été, Front Populaire propose à ses lecteurs de partager un souvenir, une réflexion, un morceau de France. Aujourd’hui directeur d’école, l’auteur voit dans la calculette manuelle le reflet d’une enfance modeste qui lui a permis d’acquérir le goût de l’effort.
C’est l’objet auquel je pense en premier quand on me demande les souvenirs marquants de mon enfance. Ce rectangle métallique avec plein de petits crans, de chiffres partout, complètement vieilli aujourd’hui, est la seule chose que je souhaitais conserver de ma mère. Il manque le stylet, d’une autre époque bien sûr, qu’elle a dû égarer il y a bien longtemps. Cela me rappelle les moments passés en courses au Monoprix de Bondy, en Seine–Saint-Denis, où nous étions tous, mes deux frères, ma sœur et moi, autour du caddie à accompagner ma mère dans ce qu’elle vivait comme la grande corvée de la semaine. Nous n’avions pas grand-chose, comme on disait, pour cacher une certaine misère économique, et tout était compté. Les courses de la semaine ne devaient pas dépasser le montant fixé par ma mère et cette calculette manuelle lui permettait de le vérifier à chaque nouvel article déposé dans le caddie. Quand le total flirtait trop vite avec le maximum dévolu, il fallait choisir et enlever un article, le décompter et poursuivre ainsi jusqu’à la caisse. Ce moment était pour moi un vrai temps d’attente avant le verdict final. Serais-je au niveau cette semaine ?
Mais avant tout, il me faut expliquer le fonctionnement de cette calculette pas comme les autres… Il s’agit de deux tableaux de six colonnes, les deux dernières concernant la partie décimale. Pour additionner un nombre, il faut s’intéresser à la partie haute de la calculette, placer le stylet au bon endroit au niveau des chiffres dans les colonnes correspondant aux dizaines, aux unités… et les faire descendre un par un jusqu’au bas du tableau. Le total s’inscrit dans la partie centrale. Pour effectuer une soustraction, il faut s’intéresser à la partie basse de et faire remonter les chiffres du nombre à retrancher jusqu’à la partie...