Le Conseil d’État à la remorque de la CJUE pour approuver les appellations de type « steak végétal »
ARTICLE. Le Conseil d’État a attendu que la justice européenne se prononce avant d’autoriser l’agro-industrie à utiliser des dénominations usuellement associées aux produits carnés pour nommer des aliments à base de produits végétaux. Au grand désarroi de la filière de la viande française.
Il a fallu attendre une décision européenne avant que le Conseil d’État daigne trancher cette querelle sémantique. Ce mardi 28 janvier, la plus haute juridiction administrative française a annulé deux décrets français datant de juin 2022 et de février 2024, interdisant d’utiliser des noms évoquant une origine animale pour des produits composés uniquement de protéines végétales (soja, pois, lentilles…). « La France ne peut interdire l’utilisation de dénominations usuelles d’aliments d’origine animale pour commercialiser des aliments contenant des protéines végétales », a décidé le juge administratif, confirmant l’arrêt rendu par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) en octobre dernier.
Dans cette décision – en attente de laquelle le Conseil d’État avait suspendu lesdits décrets –, la CJUE précisait que le droit communautaire, comme le droit français, ne prévoient pas « de règle réservant aux denrées alimentaires définies comme étant d’origine animale l’utilisation de dénominations légales contenant des termes issus des secteurs de la boucherie, de la charcuterie et de la poissonnerie ». Autrement dit, pour être fondée à émettre une telle interdiction, la France devrait au préalable adopter une dénomination légale pour les aliments d’origine animale.
Une petite porte ouverte qui n’est pas sans poser de futurs problèmes sémantiques supplémentaires. Les différences linguistiques et culturelles entre les États membres pourraient créer une fragmentation du marché unique, une aubaine pour que les européistes réclament une harmonisation européenne. On connaît la musique. Une interdiction au niveau européen des dénominations « carnées » pour les aliments d’origine végétale avait d’ailleurs déjà fait l’objet de plusieurs amendements – tous refusés – lors de la précédente réforme de la Politique agricole commune (PAC).
En attendant, si cette décision du Conseil d’État – ou plutôt de la CJUE, puisque le juge administratif n’a servi que de caisse enregistreuse – ravit les associations antispécistes et l’agro-industrie...