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La France face à la domination juridique de l’UE : pourquoi Arnaud Montebourg vise juste

CONTRIBUTION / ANALYSE. Auditionné par le Conseil d’État en novembre dernier, Arnaud Montebourg a, dans une note dévoilée récemment par Marianne, mis l’accent sur la complicité de la cour suprême française dans la mainmise du droit européen sur le droit national. Analyse détaillée par Jean-Éric Schoettl, ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel et auteur de La Démocratie au péril des prétoires (Gallimard, 2022).

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© ALAIN ROBERT/SIPA


Quelques observations au soutien de l’analyse d’Arnaud Montebourg sur les atteintes portées à la souveraineté nationale par la jurisprudence des cours suprêmes françaises depuis un demi-siècle.

Une des principales « révolutions juridiques » survenues en France depuis un demi-siècle tient à ce que tout juge national doit faire prévaloir le droit international sur la loi, y compris sur la loi postérieure. J’ai quelque répugnance à employer ici le mot « révolution », tant cette révolution-là n’est favorable ni à la souveraineté de l’Etat dans le concert des nations (souveraineté nationale), ni à la souveraineté populaire (souveraineté dans l’Etat).

A l’invitation du Conseil constitutionnel (décision IVG de 1975), la Cour de cassation a consommé cette révolution dès 1975 avec sa décision Société Cafés Jacques Vabre. Le Conseil d’Etat français s’y est d’abord refusé pour d’excellents motifs. Puis il a capitulé par l’arrêt Nicolo en 1989.

Cette conception des rapports entre droit international et droit interne, décidée par trois cours et non par le Constituant, joue évidemment contre la souveraineté nationale en interdisant au pouvoir législatif de s’écarter des normes internationales, y compris telles qu'interprétées par des organes internationaux.

Elle joue également en faveur du pouvoir des juges, désormais susceptibles de mettre à néant la volonté des représentants du peuple s’ils considèrent celle-ci contraire à des règles ou principes (si imprécis soient-ils) figurant dans les traités que nous avons ratifiés ou dans de simples actes de droit de l’Union dérivés, ou s’ils l’estiment contrevenir aux jurisprudences, si créatives soient-elles, des cours de Luxembourg et de Strasbourg.

S'agissant du droit de l’Union européenne, les juridictions nationales sont devenues fonctionnellement des « organes supplétifs » de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). La suprématie du droit supranational est tout aussi manifeste s’agissant de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Or, le droit issu de cette...

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