Les foins
CHRONIQUE. Vous souvenez-vous de ces bottes de foin qui, sous le soleil cuisant de juillet, parsèment les champs (oui, certaines le font encore !) ? Tout au long de l'été, notre camarade Jean-Paul Pelras nous incite, avec ces chroniques champêtres, à nous replonger dans ce flot de souvenirs qui font notre identité collective. Car pour des lendemains qui chantent, il faut savoir se souvenir d'hier.
Dans un dictionnaire cher à Jean Paulhan, on dit du foin qu’il s’agit d’une sorte de duvet blanc ou brun que l’on retrouve sous la carapace des langoustes, tout comme ce mot est utilisé pour qualifier le varech ou les jeunes fleurs de l’artichaut.
Nous nous en en tiendrons, en ce qui nous concerne, au souvenir de cette herbe qui piquait cuisses et mollets quand nous caracolions, comme cette fille chantée par Hubert Félix Thiefaine, à la cime de quelques charretons sur l’Aubrac ou en Margeride.
"Ce qui compte en définitive, c’est ce crépitement d’insectes, dans la lumière pulvérulente d’un beau mois de juillet (...)"
Aujourd’hui les meules et les balles rectangulaires derrière lesquelles, certains en conviendrons, de différentes manières le soir venue et fort bien accompagnés, nous passions notre temps à glander, ont laissé place à des balles rondes un peu surréalistes qui jalonnent nos campagnes sous la course spatiale de quelques vaisseaux d’altitude.
Mais peu importe la rondeur, le galbe, le chariot, la gerbière, le haquet, l’éfourceau et la puissance du cheval moteur. Ce qui compte c’est l’odeur de luzerne et de triticale fraîchement coupé qui côtoie celle, plus entêtante, des genets et des pins.
Oui, ce qui compte en définitive, c’est ce crépitement d’insectes, dans la lumière pulvérulente d’un beau mois de juillet où vous expliquez à vos rejetons le glissement furtif de la faux sur l’herbe tendre et l’emplacement de cette bouteille de limonade que l’on vous envoyait chercher à l’ombre du grand chêne ou sous ce frêne qui n’a pas encore été émondé.