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Souveraineté, laïcité et séparatisme : les enseignements de la vision du Duc de Saint-Simon (1/2)

ANALYSE. Souveraineté, laïcité, rapport du politique au religieux, séparatisme... Autant de sujets qui, contrairement à ce que pourrait laisser croire l'actualité, ne datent pas d'hier.  Dans une analyse érudite en deux parties (dont voici la première) l'économiste Jacques Sapir se penche sur la riche réflexion qu'a pu nourrir le Duc de Saint-Simon (1675-1755) sur ces concepts.

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La relation entre la souveraineté et la laïcité, est étroite, et elle vient de loin. Ce constat pourrait sembler paradoxal. Il se vérifie néanmoins avec les « Mémoires du Duc de Saint-Simon »[1]. Les commentaires sur la visite du Tsar Pierre le Grand en 1717 à Paris en sont un exemple. On y découvre aussi une réflexion sur le séparatisme. C’est dire l’actualité d’une lecture ou d’une relecture attentive de ces « Mémoires ».

Le Duc, qui fut un grand ami du Régent Philippe d’Orléans, insère dans ses « Mémoires » ses opinions qui, souvent tranchées, manifestent parfois une grande modernité. Il fut ainsi amener à cotoyer un certain nombre de hauts responsables de son époque. Il est donc certain qu’il rencontra l’ambassadeur et confident du Tsar, le Prince Kourakine. Il est patent qu’il a cherché à mettre en scène ses propres opinions, et c’est ici ce qui nous intéresse. Car le Duc est un catholique fervent – on connaît les liens qu’il avait avec Armand Jean Le Bouthillier de Rancé, le réformateur de la Trappe[2]- mais un catholique penchant pour le gallicanisme (et en particulier le gallicanisme régalien[3])  et donc, en cela, on peut le considérer comme un souverainiste avant l’heure. Ceci rend encore plus intéressant ses réflexions.

I. Séparation De LA « foi » et DE la religion

Commençons tout d’abord par la présentation qu’il fait dans ses Mémoires du projet de Pierre le Grand de se convertir au catholicisme comme la conséquence de sa volonté de « moderniser » la Russie. Il écrit ainsi : « Ce monarque qui se voulait tirer, lui et son pays, de leur barbarie (…). Cette grande raison rendait nécessaire la religion catholique… »[4]. Il précise que Tsar entend alors laisser à ses sujets la « liberté de conscience ». Point intéressant : quelle est la...

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