SéparatismeSouverainisme

Souveraineté, laïcité et séparatisme : les enseignements de la vision du Duc de Saint-Simon (2/2)

ANALYSE. Souveraineté, laïcité, rapport du politique au religieux, séparatisme... Autant de sujets qui, contrairement à ce que pourrait laisser croire l'actualité, ne datent pas d'hier.  Dans une analyse érudite en deux parties (cliquez ici pour lire la première) l'économiste Jacques Sapir se penche sur la riche réflexion qu'a pu nourrir le Duc de Saint-Simon (1675-1755) sur ces concepts.

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III. LE SOUVERAIN ET LES SÉPARATISTES

Le problème se pose de savoir comment doit se comporter le souverain face aux croyants de diverses religions si ces derniers entendent vivre de manière « séparée » par rapport aux autres habitants de l’État. Saint-Simon aborde ce problème par rapport aux protestants au tout début du tome VI de ses mémoires[1].

Il fait état d’une discussion qu’il eut avec le Régent, vers la fin de 1716, au sujet d’un hypothétique rappel des « huguenots » (protestants). Sa réaction est toute politique. Il tombe d’accord avec Philippe d’Orléans pour considérer la révocation de l’Édit de Nantes, et les « dragonnades » qui en résultèrent, comme un crime affreux. Il s’accorde aussi avec son interlocuteur pour considérer que les conséquences pour la France furent dramatiques. Il eut d’ailleurs des mots très durs déjà dans le « parallèle » sur les règnes des trois premiers Bourbon, que l’on trouve dans ses mémoires[2] : « La révocation de l'édit de Nantes sans le moindre prétexte et sans aucun besoin, et les diverses proscriptions plutôt que déclarations qui la suivirent (…) dépeupla un quart du royaume, qui ruina son commerce, qui l'affaiblit dans toutes ses parties, qui le mit si long temps au pillage public et avoué des dragons, qui autorisa les tourments et les supplices dans lesquels ils firent réellement mourir tant d'innocents de tout sexe par milliers, qui ruina un peuple si nombreux, qui déchira un monde de familles, qui arma les parents contre les parents pour avoir leur bien et les laisser mourir de faim, qui fit passer nos manufactures aux étrangers, fit fleurir et regorger leurs États aux dépens du nôtre et leur fit bâtir de nouvelles villes… ». On n’est pas loin des termes usés par le jeune Voltaire à propos de la Saint-Barthélemy[3].Saint-Simon ajoute, alors :...

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